Lettre de mise en garde puis licenciement : une double sanction interdite ?

Article Rédigé par anne-lise Castell
Publié le 10 février 2025

Lorsque l’employeur adresse un premier courrier à un salarié en lui faisant des reproches, cela peut constituer une sanction disciplinaire. Et l’empêcher par la suite de prononcer un licenciement en raison des faits déjà sanctionnés (interdiction des doubles sanctions). Mais la situation est différente si les faits se sont poursuivis ou ont été révélés après une enquête. Le salarié ne peut alors pas remettre en cause son licenciement.

Pas de double sanction

Il y a un grand principe en droit : l’employeur ne peut pas sanctionner deux fois un salarié pour des mêmes faits. S’il a réagi à chaud, par exemple en lui adressant un avertissement, et que par la suite il décide finalement de sévir et de prononcer une sanction plus lourde, ce n’est tout simplement pas possible. On dit qu’il a épuisé son pouvoir disciplinaire.

Dans un tel cas de figure, le salarié pourra demander l'annulation de la 2nde sanction. Et faire tomber son licenciement le cas échéant.

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Exception en cas de poursuite du comportement fautif ou d’enquête permettant de découvrir l’ampleur des faits

Si un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction, en revanche, la poursuite par un salarié d'un comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de ces faits, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés. De même, si, après la première sanction, une enquête permet de découvrir l'ampleur et l'ancienneté du comportement du salarié, l’employeur peut à nouveau prendre une sanction (Cass. soc., 16 avril 2015,  n° 13-27.271).

La Cour de cassation nous a donné un exemple récent avec un responsable de magasin.

Il avait reçu un avertissement en raison du visionnage des caméras de vidéosurveillance pour des raisons autres que celles liées à la sécurité des salariés, et de remarques négatives faites aux clients et aux autres salariés. Moins d’un mois après il est licencié. Entre-temps l’employeur a mené une enquête et a découvert d’autres faits consistant en des appels téléphoniques pendant les congés, des demandes excessives de productivité, des propos dénigrants et l'interdiction, pour les salariées, de se changer dans les vestiaires. Il peut bien se prévaloir d’une faute grave pour l’ensemble de ces faits.

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Différencier simple mise en garde et vraie sanction

Parfois les employeurs n’ont pas conscience d’avoir pris une première sanction. Ils ont juste adressé un courrier au salarié. Or, si ce courrier contient des reproches, il peut s’agir d’un avertissement malgré la volonté de l’employeur. Rappelons en effet que l’avertissement comme le blâme ne nécessite pas le suivi de la procédure disciplinaire (sauf exceptions). Et la frontière est parfois très mince entre la simple observation et l’avertissement.

Les juges  ont donné un exemple en mai 2024. Dans cette affaire, une salariée médecin s’est vu notifier des lettres de « mise en garde ». Il était notamment reproché à la salariée d’avoir refusé de prendre en charge le patient d’un collègue et il lui était demandé de ne plus reproduire ce type de comportement. Dans une seconde lettre, il lui était reproché d’avoir gravement mis en cause le directeur de l’association.

L’employeur faisait valoir que dans ces  lettres, il se bornait à alerter la salariée en lui demandant de modifier son comportement et que cela ne constituait donc pas une sanction disciplinaire.

Mais les juges ne suivent pas. Dans la lettre, l’employeur adressait des reproches à la salariée, pour des faits qu'il estimait fautifs. Cela constitue donc bien une sanction disciplinaire.

Notez que cette position n’est pas nouvelle et que de nombreuses décisions de justice nous éclairent sur les limites à ne pas franchir par l’employeur. Ont ainsi été reconnus comme des sanctions :

  • une lettre indiquant à un salarié que son attitude avait largement entamé la confiance portée. Cette dernière indication étant de nature à affecter la carrière du salarié (Cass. soc., 3 février 2017, n° 15-11.433) ;
  • une lettre dans laquelle l’employeur formule des reproches précis à la salariée, et l’invite instamment à changer radicalement et sans délai de comportement sous peine de licenciement (Cass. soc., 6 novembre 2019, n° 18-20.268). 
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Lorsqu'il existe, c'est le règlement intérieur de l’entreprise (obligatoire à partir de 50 salariés), ou une note de service, qui fixe les sanctions qui peuvent être prises. Si une sanction ne figure pas dans le règlement intérieur de votre entreprise, l'employeur ne peut tout simplement pas la prononcer (sauf s’agissant d’un licenciement disciplinaire).

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Des questions sur les différentes sanctions disciplinaires ? L’équipe Qiiro peut vous renseigner.

Références
  • Cour de cassation, chambre sociale, 5 février 2025, pourvoi n° 22-15.172
  • Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 2024, pourvoi n° 22-19.313

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