Votre employeur ne vous paye pas vos heures de délégation et vous vous demandez si cela peut justifier de mettre fin à votre contrat de travail à ses torts ? Réponse avec une décision de la Cour de cassation du 26 juin 2024.
En tant qu’élu, vous bénéficiez d’heures réservées pour exercer votre mandat : les heures de délégation. Vous pouvez les utiliser en une ou plusieurs fois, pendant ou en dehors des heures de travail, en fonction des besoins de la délégation.
Bon à savoir : Leur nombre exact est fixé par le protocole d’accord préélectoral. Bien souvent le choix est fait de renvoyer au crédit d’heures minimal prévu à l’article R. 2314-1 du Code du travail. Un élu titulaire peut ainsi obtenir entre 10 et 34 heures mensuelles selon l’effectif de l’entreprise. Sachant que vous pouvez, sous certaines limites, cumuler les heures d’un mois à l’autre. Vous pouvez aussi en donner à un autre élu, notamment un suppléant qui n’en a pas.
Ces heures sont considérées comme du temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail. Elles doivent ainsi être payées à l'échéance normale applicable dans l’entreprise pour les heures travaillées.
Même si l’employeur a un doute sur leur utilisation, il ne peut pas refuser de vous les payer (tant que le crédit d’heures n’est pas dépassé). Par contre après les avoir payées, il peut décider de saisir la juridiction prud'homale pour en contester l'usage.
Si votre employeur refuse de vous payer les heures de délégation, vous pouvez aller en justice en référé et obtenir ce paiement.
Une action en délit d’entrave au fonctionnement du CSE est aussi envisageable.
Mais pouvez-vous aller jusqu’à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de votre employeur ? Le sujet vient d’être relancé devant les juges..
Rappel : la prise d’acte vous permet, en cas de manquement suffisamment grave, d’obtenir la rupture du contrat aux torts de votre employeur ce qui produit les effets d’un licenciement nul vu votre statut protecteur. Mais si le manquement n’est pas assez grave, cela produit les effets d’une démission. A double tranchant donc !
Dans cette affaire, le salarié représentant du personnel réclamait le paiement de 320 heures de délégation, soit une somme de plus de 3000 euros correspondant à la totalité de son crédit d'heures de délégation de 10 heures par mois sur une période de 32 mois. Il décide de prendre acte de la rupture de son contrat.
Sa demande est d’abord écartée par la cour d’appel qui fait produire à la prise d’acte les effets d’une démission en retenant que le salarié ne donne pas d'indication sur les temps et heures de délégation qu'il a accomplies et qu’il aurait dû préciser ses jours et ses heures d'intervention.
Mais la Cour de cassation relève que la demande du salarié n'excédait pas le crédit d'heures dont il bénéficiait à ce titre et que l'employeur, qui contestait l'utilisation de ces heures de délégation, ne les avait pas payées à l'échéance normale. L’affaire devra donc être rejugée… Et vu la durée du manquement on peut imaginer que le salarié obtiendra gain de cause. En effet, si on regarde les affaires précédentes, la prise d’acte est généralement retenue.
Par exemple dans une affaire où l’employeur n’avait pas payé les heures de délégation pendant 5 mois (Cass. soc., 17 décembre 2014, n° 13-20.703) ou encore lorsqu’il n’avait payé ni les heures de délégation ni les heures supplémentaires (Cass. soc., 14 octobre 2015, n° 14-12.193).
Des questions sur les heures de délégation ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.