Les salariés grévistes sont protégés contre le licenciement sauf faute lourde. Cette protection s’applique aussi en cas d’incitation à la grève. Illustrations avec plusieurs décisions de justice dont la dernière date du 18 juin 2025 et porte sur le cas de salariés qui ont bloqué l’accès à l’entreprise.
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève (C. trav., art. L.1132-2).
Rappel : n’importe quel salarié peut faire grève, il n’est pas nécessaire d’être élu CSE ou syndiqué. Pour lancer le mouvement, dans le secteur privé, vous n’êtes pas obligé d’informer l’employeur plusieurs jours à l'avance. Une grève peut se déclencher à tout moment.
Le seul cas de figure où un licenciement est envisageable, c’est en cas de faute lourde.
Sur l’échelle des sanctions, la faute lourde est la sanction la plus importante. Comme la faute grave, elle prive en principe le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis.
Mais pour pouvoir être utilisée, la faute lourde nécessite une véritable intention de nuire à l’entreprise.
Par exemple, s’agissant de la grève, la faute lourde peut être reconnue en cas de séquestration.
Un licenciement pour un autre motif doit être annulé. Sachant que la Cour de cassation considère que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde.
C’est le cas par exemple pour un salarié qui incite d’autres personnes à faire grève (voir notamment Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.304).
Le fait d’inciter les autres salariés à faire grève ne constitue pas une faute lourde et ne peut donc pas être sanctionné par un licenciement.
En 2024, la Cour de cassation a aussi annulé un avertissement qu’elle a jugé disproportionné pour un élu qui a pris la parole pendant quelques minutes, appelant ses collègues de travail à la grève en solidarité de ceux convoqués pour des entretiens préalables pouvant aller jusqu'au licenciement. En relevant qu’il n’y avait pas eu abus dans l'exercice de sa liberté d'expression.
La responsabilité d’un salarié peut être recherchée s’il commet des abus comme dégrader des biens.
Dernièrement la Cour de cassation a rendu une décision concernant des salariés qui ont bloqué un accès dans l’entreprise. Ils ont en effet empêché un camion de sortir de l'usine en se mettant devant le portail et empêché les non-grévistes de travailler. Une mise à pied disciplinaire a été prise à leur encontre. La cour d’appel valide cette sanction, relevant des faits précis et circonstanciés, constatés par procès-verbal d'huissier, et l’existence d'une faute lourde en ce que les salariés ont entravé le bon fonctionnement de l'entreprise et fait obstacle à la liberté de travailler d'autres salariés et ce malgré la demande faite par l'huissier de laisser le libre passage aux véhicules.
Mais la Cour de cassation rappelle qu’il faut justifier les sanctions par une cause étrangère à l'exercice normal du droit de grève constitutive d'une faute lourde commise par les salariés, en démontrant l'inaccessibilité totale au site entravant l'activité de l'entreprise. Or ici la vue prise en hauteur de l'entreprise, éditée à partir du site géoportail, tend à démontrer l'existence d'un second accès à l'entreprise. La cour d’appel avait bien relevé ce second accès mais avait jugé que le syndicat n'établit pas le fait que cet accès était effectivement accessible et utilisé par les non-grévistes le jour du mouvement social.
Or ce n’est pas comme ça qu’il fallait raisonner. C’est à l’employeur de démontrer l'inaccessibilité totale au site. L’affaire sera donc rejugée.
Parfois l’employeur ne relie pas directement le licenciement à la grève.
Dans ce cas de figure, la Cour de cassation considère que lorsqu'un salarié établit des faits laissant supposer une discrimination dans la rupture de son contrat de travail en raison de sa participation à un mouvement de grève, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'exercice normal du droit de grève (voir notamment Cass. soc., 20 septembre 2017, n° 16-20.239).
Dans une affaire de 2024 (rendue pour Mayotte mais parfaitement transposable), c'est la concomitance entre le licenciement et la grève qui a pu peser. Ici, la procédure de licenciement avait été engagée 8 jours après que le salarié s'était déclaré en grève. Les juges en ont conclu que le salairé établissait des faits laissant supposer une discrimination dans la rupture de son contrat de travail en raison de sa participation à un mouvement de grève. La cour d’appel devait rechercher si l'employeur prouvait que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à l'exercice normal par le salarié de son droit de grève.
Attention la protection des grévistes ne marche que si la grève est licite. L’équipe Qiiro peut vous renseigner sur ce sujet.
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