Faire grève ou inciter à la grève : quelle protection contre le licenciement ?

Article rédigé par Anne-Lise Castell
Mis à jour le 26 juin 2025

Les salariés grévistes sont protégés contre le licenciement sauf faute lourde. Cette protection s’applique aussi en cas d’incitation à la grève. Illustrations avec plusieurs décisions de justice dont la dernière date du 18 juin 2025 et porte sur le cas de salariés qui ont bloqué l’accès à l’entreprise.

Pas de licenciement pour un gréviste sauf faute lourde

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève (C. trav., art. L.1132-2).

Rappel : n’importe quel salarié peut faire grève, il n’est pas nécessaire d’être élu CSE ou syndiqué. Pour lancer le mouvement, dans le secteur privé, vous n’êtes pas obligé d’informer l’employeur plusieurs jours à l'avance. Une grève peut se déclencher à tout moment.

Le seul cas de figure où un licenciement est envisageable, c’est en cas de faute lourde.

Sur l’échelle des sanctions, la faute lourde est la sanction la plus importante. Comme la faute grave, elle prive en principe le salarié de ses indemnités de licenciement et de préavis.

Mais pour pouvoir être utilisée, la faute lourde nécessite une véritable intention de nuire à l’entreprise.

Par exemple, s’agissant de la grève, la faute lourde peut être reconnue en cas de séquestration.

Un licenciement pour un autre motif doit être annulé. Sachant que la Cour de cassation considère que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde.

C’est le cas par exemple pour un salarié qui incite d’autres personnes à faire grève (voir notamment Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.304).

Le fait d’inciter les autres salariés à faire grève ne constitue pas une faute lourde et ne peut donc pas être sanctionné par un licenciement.

Modèle de document gratuit
Télécharger
Icon megaphone
Bon à savoir

En 2024, la Cour de cassation a aussi annulé un avertissement qu’elle a jugé disproportionné pour un élu qui a pris la parole pendant quelques minutes, appelant ses collègues de travail à la grève en solidarité de ceux convoqués pour des entretiens préalables pouvant aller jusqu'au licenciement. En relevant qu’il n’y avait pas eu abus dans l'exercice de sa liberté d'expression.

Icon représentant le panneau attention
Important !

La responsabilité d’un salarié peut être recherchée s’il commet des abus comme dégrader des biens.

Focus sur le cas des salariés qui empêchent les autres de travailler

Dernièrement la Cour de cassation a rendu une décision concernant des salariés qui ont bloqué un accès dans l’entreprise. Ils ont en effet empêché un camion de sortir de l'usine en se mettant devant le portail et empêché les non-grévistes de travailler. Une mise à pied disciplinaire a été prise à leur encontre. La cour d’appel valide cette sanction, relevant des faits précis et circonstanciés, constatés par procès-verbal d'huissier, et l’existence d'une faute lourde en ce que les salariés ont entravé le bon fonctionnement de l'entreprise et fait obstacle à la liberté de travailler d'autres salariés et ce malgré la demande faite par l'huissier de laisser le libre passage aux véhicules.

Mais la Cour de cassation rappelle qu’il faut justifier les sanctions par une cause étrangère à l'exercice normal du droit de grève constitutive d'une faute lourde commise par les salariés, en démontrant l'inaccessibilité totale au site entravant l'activité de l'entreprise. Or ici la vue prise en hauteur de l'entreprise, éditée à partir du site géoportail, tend à démontrer l'existence d'un second accès à l'entreprise. La cour d’appel avait bien relevé ce second accès mais avait jugé que le syndicat n'établit pas le fait que cet accès était effectivement accessible et utilisé par les non-grévistes le jour du mouvement social.

Or ce n’est pas comme ça qu’il fallait raisonner. C’est à l’employeur de démontrer l'inaccessibilité totale au site. L’affaire sera donc rejugée.

Modèle de document gratuit
Télécharger
Icon megaphone
Bon à savoir
Icon représentant le panneau attention
Important !

Le cas du licenciement qui n’évoque pas la grève

Parfois l’employeur ne relie pas directement le licenciement à la grève. 

Dans ce cas de figure, la Cour de cassation considère que lorsqu'un salarié établit des faits laissant supposer une discrimination dans la rupture de son contrat de travail en raison de sa participation à un mouvement de grève, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'exercice normal du droit de grève (voir notamment Cass. soc., 20 septembre 2017, n° 16-20.239).

Dans une affaire de 2024 (rendue pour Mayotte mais parfaitement transposable), c'est la concomitance entre le licenciement et la grève qui a pu peser. Ici, la procédure de licenciement avait été engagée 8 jours après que le salarié s'était déclaré en grève. Les juges en ont conclu que le salairé établissait des faits laissant supposer une discrimination dans la rupture de son contrat de travail en raison de sa participation à un mouvement de grève. La cour d’appel devait rechercher si l'employeur prouvait que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à l'exercice normal par le salarié de son droit de grève.

Modèle de document gratuit
Télécharger
Icon megaphone
Bon à savoir
Icon représentant le panneau attention
Important !

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Attention la protection des grévistes ne marche que si la grève est licite. L’équipe Qiiro peut vous renseigner sur ce sujet.

A lire également : 

Grève : comment en faire une et quelles conséquences financières pour les salariés ?

Appartenance à un syndicat et participation à une grève : pas toujours suffisant à faire présumer une discrimination

Références
  • Cour de cassation, chambre sociale, 18 juin 2025, pourvoi n° 23-19.391
  • Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2024, pourvoi n° 22-21.048
  • Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2024, pourvoi n° 22-24.186
Avertissement : Informations à titre informatif uniquement

Les informations contenues sur ce site web sont fournies à titre informatif et ne constituent en aucun cas un avis juridique. Elles sont basées sur l'état actuel du droit et des pratiques en vigueur.

Ces informations ne sauraient être interprétées comme une consultation ou un conseil juridique. Seuls les professionnels du droit habilités à exercer peuvent fournir de tels services.

L'éditeur de ce site web ne saurait être tenu responsable de l'utilisation qui pourrait être faite des informations présentes. Il est fortement recommandé de consulter un avocat pour toute question juridique spécifique ou pour obtenir un conseil adapté à votre situation personnelle.

Daily’CSE, la newsletter consacrée à l’actualité des CSE
Recevez chaque semaine les toutes dernières actualités du CSE rédigées par nos juristes experts en droit social.
Merci ! Votre e-mail a bien été enregistré
Oops! Something went wrong while submitting the form.