Mon transporteur est victime d'un incendie : puis-je me faire indemniser ?

Mon transporteur est victime d'un incendie : puis-je me faire indemniser ?

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Une société expéditrice, ayant pour activité la révision et l'entretien de matériels aéronautiques, a confié le 31 octobre 2013 le transport de colis à un transporteur, la société United Parcel Service France (UPS). Cette dernière les a conservés dans son entrepôt avant de les acheminer vers la destination prévue. À la suite d'un incendie dû à une tentative de vol par effraction, les colis ont été endommagés le 1er novembre 2013.


L'expéditeur a, par conséquent, sollicité l'indemnisation du préjudice subi, ce que le transporteur a refusé. L'expéditeur et son assureur dommages, par la mise en oeuvre d'un recours subrogatoire, l'ont alors assigné en paiement. La Cour d'appel de Versailles a rejeté cette demande considérant que le transporteur n'a pas commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 133-8 du Code de commerce.



L'assureur s'est prévalu, dans son recours, de l'article L. 133-8 du Code de commerce qui dispose qu'est inexcusable la faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. En effet, il est reproché à la société UPS d'avoir détruit les matériels après la tentative de vol par incendie. Les demandeurs estiment que la destruction volontaire par le transporteur de la marchandise qui lui a été confiée constitue nécessairement une faute inexcusable. Les seules circonstances de nature à permettre au transporteur de procéder de son propre chef à la destruction de la marchandise sont la perte totale de celle-ci ou la perte de sa valeur marchande.


Cependant, la Cour d'appel a jugé que la destruction des matériels après la tentative de vol par incendie est postérieure au fait dommageable constitué de ce vol. L'éventuelle faute est donc postérieure au fait dommageable lui-même. Ainsi, la postériorité de la « faute » commise implique l'absence de la conscience de la probabilité du dommage par le transporteur. Par conséquent, elle ne peut être caractérisée d'inexcusable.

De plus, la Cour d'appel a également estimé que le fait pour le transporteur d'avoir détruit les marchandises en partie brûlées après l'incendie ne caractérise pas une faute inexcusable puisque la preuve de son acceptation téméraire sans raison valable n'est pas rapportée.


La Cour de cassation, le 24 mars 2021, valide l'analyse de la Cour d'appel et juge que la destruction, même volontaire, par le transporteur des marchandises qui lui ont été confiées ne peut pas être qualifiée de faute inexcusable aux termes de l'article L. 133-8 du Code de commerce, cette qualification dépendant des circonstances de chaque espèce.

Qu'est-ce qu'une faute inexcusable ?

La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports en donne une définition qui a été reprise par l'article L. 133-8 du Code de commerce.

La faute inexcusable est une faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Ainsi, en cas de perte de marchandises, un transporteur par route ne peut se prévaloir d'une clause limitative de responsabilité, si la victime des pertes ou avaries parvient à prouver une « faute inexcusable » du transporteur.

Afin de prouver cette faute inexcusable, il faut caractériser la conscience qu'un dommage peut probablement résulter de son comportement. L'établissement chez le transporteur de la prise délibérée d'un risque est donc nécessaire.


Par ailleurs, la faute inexcusable ne se confond pas avec les notions de fraude et d'infidélité. Ces dernières supposent une volonté malveillante, une déloyauté ou une dissimulation d'un préjudice causé à l'expéditeur de la part du transporteur. Alors que la faute inexcusable est exclusive de toute malveillance.

Dans cet arrêt de la Cour de cassation, l'assureur met également en avant l'article L. 133-1 du Code de commerce qui dispose que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de force majeure. Il est également garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou bien de la force majeure. Toute clause contraire est nulle.


Cependant, la Cour d'appel a estimé que le transporteur n'était pas tenu d'indemniser l'assureur en application de certaines clauses des conditions générales de la société UPS. Ces dernières prévoient effectivement que la société ne sera responsable d'aucune perte que l'expéditeur pourrait subir en lien avec le transport quelle qu'en soit la cause, dès lors que la valeur du colis excède la somme de 50 000 US dollars.

Il ressort des bordereaux d'expédition que l'expéditeur a bien signé avoir été informé et avoir pris connaissance des conditions générales du transporteur. Ces dernières lui sont donc opposables selon le transporteur. Pour le retour des marchandises, un seul bordereau a été établi regroupant la totalité des marchandises initialement envoyées en deux colis d'une somme globale de 94 651,70 euros. La valeur déclarée par l'expéditeur est donc supérieure à 50 000 US dollars. La Cour d'appel a alors retenu que le transporteur n'est responsable d'aucune perte et n'est pas tenu à indemniser le préjudice subi par l'assureur.


Cependant, la Cour de cassation a jugé qu'il n'était pas possible de donner effet à une telle clause. En effet, cette dernière est élusive de la responsabilité du transporteur, et par conséquent, entachée de nullité : « est nulle une telle clause ayant pour effet d'exclure, en toutes circonstances, la responsabilité du transporteur en cas de perte des colis dont la valeur dépasse un certain montant ».

Une telle clause élusive de la responsabilité du transporteur ne peut être valable qu'à la condition de réserver sa faute inexcusable. À défaut, elle est réputée non écrite. En effet, l'article L. 133-8 du Code de commerce dispose que « seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

picto rédaction
note d'information
Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

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