Obligation de reclassement : l'employeur peut-il vraiment y échapper ?

Obligation de reclassement : l'employeur peut-il vraiment y échapper ?

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Pas si aisé pour les employeurs d’échapper à l’obligation de reclassement !

En effet, ce dernier a une obligation de rechercher le reclassement du salarié déclaré inapte conformément aux préconisations du médecin du travail. Il doit rechercher un nouveau poste approprié aux capacités du salarié parmi les postes disponibles au sein de l’entreprise, et uniquement en cas d’impossibilité ou en cas de refus par le salarié du poste compatible, le licencier. Il ne peut s’exonérer de cette obligation seulement s’il y a une dispense explicite du médecin du travail. Ces règles sont d’ordre public et s’appliquent quelque soit l’origine de l’inaptitude, professionnelle ou non, et sa durée, temporaire ou définitive.  


Conformément à l’article L. 1226-2 du Code du travail, l'emploi recherché doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé par le salarié, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.


Il s’agit d’un gros travail de recherche nécessitant toute l’attention de l’employeur qui doit prendre à cœur cette mission de reclassement. La manifestation d’une volonté effective de reclasser le salarié conformément aux indications du médecin du travail est nécessaire. Une recherche loyale et sérieuse est exigée. Il est évident que les postes ne correspondant pas du tout à l’emploi initialement occupé ne doivent pas être proposés au salarié. Chers employeurs, évitez surtout de proposer à un entraîneur de chevaux un poste de garçon de cour pour essentiellement s’occuper de nettoyage et de balayage ! Même si l’intention est bonne. Même si le salaire est maintenu !


L’employeur respecte son obligation de reclassement lorsqu’il propose des postes comportant une diminution de salaire ou place le salarié sous l’autorité hiérarchique d’un autre salarié de l’entreprise seulement s’il ne dispose pas d’emploi de même catégorie.

picto rédaction
note d'information
Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

Une nouvelle condition encadrant l’obligation de reclassement de l’employeur s’ajoute aux préexistantes

La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 8 septembre 2021 qu’en cas d’inaptitude, l’employeur ne peut pas proposer au salarié un poste de reclassement non conforme aux dispositions de la convention collective. 


Qu’est-ce qu’une convention collective ? Il s’agit d’un accord par lequel des syndicats représentatifs de travailleurs et des employeurs déterminent les conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail, les garanties sociales et les obligations incombant aux signataires de l'accord. Il contient les règles applicables à un secteur donné. L’employeur est tenu de l’appliquer. 


Ainsi, afin que l’employeur soit considéré comme ayant rempli son obligation de reclassement, il doit également proposer un poste compatible avec la convention collective applicable à l’entreprise. A défaut, il ne remplit pas son obligation.  


Dans les faits, une salariée travaillait depuis 1992 en qualité d’employée polyvalente au sein d’une entreprise de fabrication de textile. Elle a été déclarée inapte au poste qu’elle occupait en 2016. Par la suite, elle avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle avait refusé un poste de reclassement proposé par l’employeur car les horaires du poste proposé ne respectaient pas les dispositions conventionnelles. 


Estimant qu’elle avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse, elle avait saisi les prud’hommes notamment en invoquant le fait que son employeur n’avait pas rempli son obligation de reclassement.


La proposition de reclassement de l’employeur comportait des horaires incompatibles avec la convention nationale des commerces de détail non alimentaires.


La Cour d’appel avait estimé que l'employeur avait bien respecté loyalement et sérieusement son obligation de reclassement, que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et donc, avait débouté la salariée de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture.


Cependant, la Cour de cassation n’a pas été d’accord avec la Cour d’appel. Elle a estimé que la proposition de reclassement n'était pas conforme aux dispositions de la convention collective applicable à l’entreprise, notamment s’agissant de la répartition des horaires. 


En effet, selon l’article 3.2 de la convention collective du commerce de détail non alimentaire du 14 juin 1988, la répartition quotidienne des horaires, dans le cadre des contrats à temps partiels, est déterminée selon l'une des deux modalités suivantes : 


  • soit la journée comporte une seule séquence continue de travail, et, dans ce cas, sa durée ne peut être inférieure à 3 heures et demie ;


  • soit la journée de travail comporte deux séquences de travail séparées par une coupure, et, dans ce cas, la durée du travail ne peut être inférieure à 6 heures. La durée de la coupure est fixée à 1 heure maximum, à l'exception des commerces fermant à l'occasion de la pause déjeuner dont la coupure peut être de 3 heures maximum. La journée de travail inférieure à 6 heures doit se dérouler en une seule séquence sans aucune coupure.


Ainsi, il est évident que la proposition de reclassement d'un poste d'assistante administrative, à raison de 10 heures hebdomadaire, 5 heures par jour, avec une coupure de 3 heures (mardi 10h-12h/15h-18h et mercredi 10h-12h/15h-18h) n'est pas conforme aux dispositions de la convention collective, lorsque la journée de travail comporte 2 séquences de travail séparées par une coupure.


Par ailleurs, elle reproche aux juges de la Cour d’appel de ne pas avoir recherché s'il existait d'autres postes disponibles compatibles avec l’inaptitude de la salariée et les préconisations du médecin du travail. La constatation que l’employeur ne disposait d’aucun autre poste disponible au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement de temps de travail était nécessaire, en application de l’article L. 1226-2 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Prenez note :

Pour résumer, l’employeur a une obligation de reclassement en cas d’inaptitude du salarié exigeant :

  • une recherche loyale et sérieuse de l’employeur ;
  • le respect des capacités dudit salarié ;
  • la conformité aux préconisations du médecin du travail ;
  • la compatibilité à l'emploi précédemment occupé par le salarié, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, adaptations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;
  • la conformité aux dispositions de la convention collective applicable à l’entreprise du poste de reclassement.

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