3 conditions pour pouvoir voter aux élections professionnelles

3 conditions pour pouvoir voter aux élections professionnelles

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Les élections professionnelles constituent un moment décisif et marquant dans la vie d’une entreprise. 


L’accès au statut d’électeur est strictement encadré, au vu du pouvoir important placé entre ses mains. 


N’importe qui ne peut pas être élu, conformément à l’article L. 2314-19 du Code du travail, et n’importe qui ne peut pas voter non plus.


Pourtant, le statut d’électeur a vocation à changer. Interprété trop strictement par la Cour de Cassation depuis de nombreuses années, le Conseil constitutionnel est venu sanctionner une liste de conditions trop restrictive, qui viendrait exclure une partie des salariés de manière disproportionnée. 


La décision du Conseil constitutionnel, rendue le 19 novembre 2021, marque donc une évolution majeure pour le droit du travail, puisqu’elle déclare contraire aux droits et libertés garantie par la Constitution l'article L. 2314-18 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

Quelles sont les conditions pour être électeur aux élections professionnelles ?

L’article L. 2314-18 du Code du travail, qui a été jugé inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel, est également l’article venant détailler les conditions nécessaires pour être électeur aux élections professionnelles. 


Ainsi, 3 conditions doivent être réunies pour pouvoir voter aux élections professionnelles :

  • il est nécessaire d’avoir 16 ans révolus ;
  • il faut travailler depuis 3 mois au moins dans l’entreprise ;
  • il ne faut pas avoir fait l’objet d’une interdiction, d’une déchéance ou d’une incapacité relative à ses droits civiques.

Une condition est indifférente, celle du sexe.


Parmi ces critères, ne figure aucune précision quant à un lien avec l’employeur.


Pourtant, par une jurisprudence constante, les salariés qui étaient assimilés à l’employeur avaient l'interdiction de participer aux élections professionnelles.

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note d'information
Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

Mais qu’est-ce qu’un salarié assimilé à l'employeur ?

Un salarié qui dispose d’une délégation écrite particulière d’autorité, lui permettant d’être assimilé au chef d’entreprise. C’est également le salarié qui représente effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou dans les relations et négociations avec les salariés, tel que devant le CSE


Le plus souvent en pratique, ces salariés étaient souvent les cadres dirigeants. L’article L. 3111-2 du Code du travail défini le cadre dirigeant par la réunion de 3 conditions :

  • le salarié doit avoir un pouvoir de décision qui est autonome, il doit disposer d’une grande indépendance à l’égard de son emploi du temps ;
  • il doit avoir été confié au salarié des responsabilités importantes ;
  • le salarié doit bénéficier d’une rémunération dont le niveau est élevé par rapport aux systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.


Si la notion est strictement interprétée par la Cour de cassation, il n’en est pas de même pour les salariés. Même en présence de ces trois conditions, cette qualification est de plus en plus souvent remise en cause, notamment vis à vis du temps de travail, des indemnités, et bien sûr, des élections professionnelles…

En quoi la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 19 novembre 2021, bouleverse les choses en matière d’élections professionnelles ?

C’est le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse qui a choisi de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. Le tribunal s'interrogeait notamment car l’article prévoit les conditions pour être électeur, mais il ne prévoit pas les conditions qui permettent d’exclure certains salariés de ce statut. 


C’est donc à la Cour de cassation qu’est revenue la lourde tâche d’interpréter les dispositions de l’article L. 2314-18 du Code du travail. La haute juridiction a donc fait le choix de priver une partie des salariés de leur droit de vote, les considérant comme trop proches du chef d’entreprise pour bénéficier de leur droit de participation en tant que travailleur. 


Cette interprétation extensive des règles exposées par le droit du travail a eu pour effet la création d’une QPC. La Cour de cassation, estimant la question sérieuse, à accepter sa transmission au Conseil constitutionnel.


Le verdict du Conseil constitutionnel : la disposition de l’article L. 2314-18 du Code du travail est inconstitutionnelle.

Pour l’institution, l’article est donc contraire à la Constitution. Mais à l’égard de quelle disposition constitutionnelle cet article n’est-il pas conforme ?

Le principe de participation des salariés

L’article L. 2314-18 est contraire à un principe fondamental qui est issu du 8ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : le principe de participation des salariés. 


Selon ce fondement, tous les travailleurs doivent pouvoir participer collectivement à la détermination des conditions de travail et à la gestion de l’entreprise, par le biais des délégués. 


Le Conseil constitutionnel a donc jugé que l’interdiction faite aux salariés assimilés à l’employeur de participer aux élections professionnelles était contraire à leurs droits à la négociation collective et à la participation à la gestion des entreprises.

L’élargissement du statut d’électeur

Par sa décision, le Conseil constitutionnel remet en cause la pertinence du statut de ces salariés et décide d’élargir le champ des électeurs. La participation électorale des salariés est donc placée au cœur des préoccupations du Conseil, qui vient réaffirmer à quel point ce droit est fondamental. Désormais, tous les salariés, qu’ils soient ou non assimilés à l’employeur, qu’ils le représentent ou pas, sont des électeurs. Ce type d’électeur pourra donc également se voir représenter au CSE.


Des conditions d’électorat assouplies permettent de facto une meilleure représentativité des salariés. 

La question qui se pose néanmoins est celle de l’opportunité de cette décision. Un salarié assimilé à l’employeur, très souvent, un cadre dirigeant, n’est pas un salarié comme les autres. 


D’une certaine manière, son exclusion peut paraître injustifiée, car bien que le cadre dirigeant dispose d’un statut particulier, il n’en demeure pas moins un subordonné.

Mais on peut se demander si le droit de participer à la détermination des conditions de travail est pertinent pour une personne qui est autonome dans la gestion de son temps de travail. Pire encore, il paraît difficile de représenter l’employeur et participer à l’élection des personnes chargées de la défense des intérêts des salariés.

Report d’effet

Un détail important est à noter à l’issue de cette décision du Conseil constitutionnel : un report d’effet au 31 octobre 2022.
Ce choix de reporter l'effet de la décision rendue permet au législateur de préciser les conditions dans lesquelles les salariés assimilés à l’employeur peuvent être exclus de l’électorat, car le seul critère de la délégation d’autorité ou d’un pouvoir de représentation ne suffit plus à les exclure de la participation aux votes. Ce report permet également d’éviter tout désastre, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu’une abrogation avec effet immédiat aurait des conséquences qui seraient excessives par rapport aux bénéfices qu’il pourrait en résulter. En effet, cela aurait tout bonnement pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections professionnelles, empêchant ces dernières d’avoir lieu. Ce report d’effet est donc dû à une sorte de bilan coût/avantages, bénéfique à la fois aux juges, législateur et entreprises.


Le Conseil constitutionnel rappelle que la décision n’est pas non plus rétroactive. Ainsi, toutes les mesures qui ont été prises avant la date du 31 octobre 2022, en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution, ne peuvent pas être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Quiconque ne pourra donc pas venir remettre en cause la légitimité d’une élection professionnelle sur le simple fondement de l’inconstitutionnalité de l’article L. 2314-18 du Code du travail. Cela vaut notamment pour ces fameux salariés assimilés à l’employeur, qui ne pourront pas se servir de cette inconstitutionnalité pour faire annuler les élections passées.


Il nous tarde donc de savoir comment le législateur va choisir d’encadrer davantage et, espérons-le, avec plus de précisions, le statut d’électeur aux élections professionnelles. Seul l’avenir nous le dira !

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