Blague sexiste au travail : C’est un “sujet sensible” mais vous tentez la blague quand même ?

Blague sexiste au travail : C’est un “sujet sensible” mais vous tentez la blague quand même ?

Contenu rédigé par nos juristes ★★★★★

Peut-on rire de tout ? Albert Einstein répondait à cela en énonçant que “la seule chose absolue dans un monde comme le nôtre, c’est l’humour” mais comment interpréter l’absolu du comique dans un contexte juridique 👀 ? 

Le droit à l’humour 😂 ? Toute personne peut en jouir y compris un salarié. L’humour est donc un fait transversal, mondial et universel. La Cour européenne des Droits de l’Homme s’est déjà saisie de ce débat afin de protéger le droit à la satire tout en interprétant cette notion d’absolu en coupant le sifflet à cette dernière. Les juges ont ainsi considéré que l’humour pouvait connaître une arme infaillible et un obstacle de choix : le respect de la vie privée d’autrui (arrêt du 22 mars 2016) 🚧. 

Le prisme de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme explicite que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend ainsi la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière 📌. 

MAIS attention 🚨, encore une fois, c’est un bémol qui est ajouté à la notion d’absolu car elle pourrait mener à une cacophonie sans précédent 🎶. 

Il est donc rappelé au sein dudit article précédemment cité que “l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans un société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire” 📣. 

Entre liberté d’expression 👄, responsabilités ⚖️, démocratie 🇫🇷, protection de la santé,de la morale ou de la réputation d’autrui 👤 et humour 🙋, la balance semble complexe et il ne s’agit maintenant plus de débattre sur ce bon vieil oncle légèrement alcoolisé qui dérape chaque année au repas de noël 🎅. 

Dans les faits rapportés auprès des hauts juges le 20 avril 2022, il s’est avéré qu’un animateur d’un jeu télévisé nommé “les Z’amours” diffusé sur France 2, a été mis à pieds puis licencié pour faute grave à la suite d’une blague sexiste réalisée sur un autre plateau de télévision que voici : “Comme c’est un sujet super sensible, je la tente : les gars vous savez c’qu’on dit à une femme qu’à déjà les deux yeux au beurre noir ? - Elle est terrible celle-là ! - On lui dit plus rien, on vient déjà d’lui expliquer deux fois !”. 

Le salarié a souhaité contester cette rupture du contrat de travail en demandant la requalification de ses contrats de travail successif en CDI devant les juges de l’instance prud'homale. Ces derniers ont rejeté strictement sa demande de nullité de la rupture 🚫. 

Suite à une procédure d’appel au fond, c’est dans ce contexte que le salarié, déterminé à ne pas en rester là, a formé un pourvoi devant la Cour de cassation 🙅.  

Les juges de la Cour de cassation ont donc dû prendre une précaution entre la liberté d’expression, chère à notre pays et faisant ainsi découler le droit à l’humour, et la lutte contre tout agissement sexiste au travail 📝. 

En conséquence, ces derniers en ont conclu, par une combinaison de l’article 10 inscrit au sein de la CEDH et de l’article  L.1121-1 du Code du travail, que la rupture du contrat de travail du salarié n’était pas disproportionnée en prenant alors l’importance des comportements répétés dont avait fait preuve ledit salarié concerné 🚨

La lecture de l’article L. 11142-2-1 du Code du travail tire lui-même la révérence de fin quant à la juste application et interprétation de la liberté d’expression. “Nul ne doit subir d’agissement sexiste” 🔦. 

Nous sommes ici spectateurs d’un véritable travail de balance effectué par les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation : la nécessité de la mesure prise, le but poursuivi, son adéquation, son caractère proportionné audit objectif et les droits fondamentaux découlant du comportement reproché en l’espèce 📋

C’est une approche circonstancielle qui a été démontrée, s’étendant plus largement que dans les engagements que le salarié pouvait avoir avec son employeur (cf. Le cahier des missions et des charges de France 2 et de la Charte des antennes de France Télévisions) ✋. 

Outre le comportement instantané que le salarié avait présenté à heure de grande écoute sur un plateau télévisé, il s’agissait également de son comportement quelques jours plus tard, renforçant d’autant plus la banalisation de son action malgré un contexte médiatique profondément marqué par les mouvements “#metoo”, “#balancetonporc” et des 123 femmes décédées sous les coups au cours de l’année en France 🚩. 

Les juges déterminent dans cette affaire ce qui doit être retenu dans une affaire portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux : Une rupture de contrat de travail peut être justifiée par la succession du comportement, des actions et des propos tenus à caractère et qualification sexiste 👐

Les masques tombent donc pour laisser entrevoir la réalité du monde du travail, un monde profondément marqué par un sexisme constant et banalisé qui ne peut évoluer vers son éradication qu’avec l’interprétation et l’appréciation dont ont fait preuve les juges en l’espèce 🎭. 

Messieurs et Mesdames, ici, il faut comprendre la notion de mesure, certes, mais d’autant plus, il est aussi fait mention d’une question précise : peut-on véritablement rire de tout

La réponse devra nécessairement trouver sa source juridique dans une appréciation proportionnelle quant aux facteurs sociétaux, contractuels et comportementaux 💡

picto rédaction
note d'information
Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

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