Télétravail et accident du travail : le cas de l’altercation téléphonique avec son employeur ou de propos secs pendant une visioconférence

Article rédigé par Anne-Lise Castell
Mis à jour le 10 juillet 2025

Le télétravail n’empêche pas la reconnaissance d’un accident du travail. Plusieurs exemples nous ont été donnés récemment par les juges. Dont celui du salarié en surcharge de travail qui craque après un entretien téléphonique avec son employeur ou à qui on annonce une réorganisation de l’équipe au téléphone.  A l’inverse, l’accident du travail a été écarté pour une salariée qui n’a pas pu prouver la réalité de propos tenus en visioconférence.

Télétravail peut rimer avec accident du travail

Le Code du travail est très clair : l'accident qui survient sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail (C. trav., art. L.1222-9).

Il y a donc 2 critères principaux :

  • l’accident doit arriver sur le lieu du télétravail (domicile, espace de coworking..) ;
  • et pendant les heures de travail.

Si un salarié est victime d’un tel accident, il doit informer son employeur dans les 24 heures mais il a intérêt en pratique à le faire immédiatement. Il faut également faire constater son état par un médecin.

L’employeur devra alors déclarer l’accident du travail dans les 48 heures auprès de la caisse d’assurance maladie. Tout en gardant la possibilité de contester en émettant des réserves. Par exemple s’il estime que l’accident n’avait aucun lien avec le travail et que le travail était interrompu ( le salarié se blesse en tondant, en repassant…). 

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S’il n’est pas clair que l’accident a bien eu lieu au temps et au lieu de travail, l’accident du travail ne sera pas présumé et ce sera au salarié d’essayer d’apporter des éléments de preuve.

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Quid du cas du télétravailleur en burn-out suite à un entretien téléphonique qui se passe mal avec son employeur ?

Avec l’essor du télétravail depuis la crise sanitaire, on trouve de plus en plus d’affaires en justice à ce sujet, au niveau des cours d’appels pour le moment.

Dernier exemple en date : une décision de la cour d’appel de Toulouse du 13 mars 2025. En l’espèce une salariée en télétravail reçoit, pendant son temps de travail, un appel téléphonique soudain, inattendu lui annonçant une réorganisation de l'équipe. Il a été évoqué le rétablissement de relations professionnelles entre la salariée et son ancien supérieur alors qu’un contentieux avait conduit le service des ressources humaines, après avis de la médecine du travail suite à un arrêt de travail de la salariée, à veiller à ce qu’elle ne soit plus affectée dans son service.

Suite à cet appel, son médecin diagnostique un état anxio-dépressif réactionnel.

Pour la cour d’appel, avec cet appel, il y a bien un fait accidentel soudain à l'origine des lésions psychiques de la salariée.

Elle relève un climat anxiogène et les éléments de preuve apportés par la salariée : le certificat médical établi le jour même, et un courriel concernant le déroulement de sa journée de travail, décrivant dans le détail tant le contenu de l'appel téléphonique que la dévastation psychique qu'il lui a provoquée.

Autre exemple avec la cour d’appel de Grenoble le 9 mars 2024.

L’affaire concernait une salariée en télétravail qui se plaignait d’une surcharge de travail. Son responsable l’appelle à ce sujet et la conversation se passe mal. La salariée explique que l’employeur l’a mis en cause (“toi ça ne va jamais”) ce qui l’a fait craquer. Elle produit un certificat médical faisant état d’un état de stress post-traumatique, d’une anxiodépression réactionnelle et la nécessité d’une prise en charge psy.

La caisse refuse pourtant de reconnaître un accident du travail estimant que le fait accidentel supposé s’est passé au téléphone et ne repose que sur une déclaration unilatérale de la salariée faute de témoins. Pour elle, un simple entretien avec son responsable ne peut constituer en lui-même un fait accidentel.

La cour d’appel commence par rappeler qu’il a déjà été jugé qu'une dépression nerveuse soudaine, intervenue après un entretien d'évaluation, peut être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Dans cette affaire, il n’était pas contesté qu’il y avait eu un entretien téléphonique évoquant la charge de travail et en plus de la constatation de son état de stress par un médecin, la salariée produisait des attestations de collègues et amies sur son état.  Dès lors, les juges ont estimé qu’il y avait bien eu un fait accidentel au temps et au lieu du travail à l’origine de l’effondrement psychologique de la salariée. C’était à la caisse de démontrer le contraire, ce qu’elle n’a pas ici réussi à faire.

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Le cas de propos secs pendant une visioconférence

Dans une affaire de juin 2025, la caisse a accepté de reconnaître un accident du travail pour une salarié victime d’un malaise et de vomissement, survenus 1h30 après une visioconférence et que la salariée impute à un stress suite à des remarques humiliantes en présence des salariés suite à une question sur les frais. L'accident allégué est constitué par le ton sec et humiliant d'une réponse apportée à la salariée devant ses collègues (80 personnes présentes à la visio), ce qui aurait engendré pour elle un stress, lequel aurait déclenché une crise de la maladie. 

Seulement la cour d’appel relève que le ton sec et inapproprié des propos est contredit par de nombreuses attestations établies par d'autres participants à la réunion. Ceux-ci convergent sur le fait que la réponse apportée était non-seulement positive et claire, mais surtout professionnelle, courtoise, dénuée d'animosité et exempte de propos déplacés ou humiliants. 

Les juges en ont déduit que la réalité de propos secs, humiliants tenus pendant le temps de travail et générateurs d'un stress ayant conduit à un malaise, n'est pas démontrée par les seules déclarations de la salariée (et de son mari qui n'a pas assisté aux propos) contredites par de nombreuses attestations.

Dès lors la matérialité de l'accident allégué n'est pas établie et la prise en charge inopposable à l'employeur.

Il n’en reste pas moins que si des propos secs et humiliants sont tenus, une prise en charge au titre des accidents du travail semble donc envisageable au vu de cette décision…

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D’autres cours d’appel ont rejeté la qualification d’accident du travail pour des salariés en télétravail.

1er exemple : Une salariée qui chute dans les escaliers chez elle alors qu’elle télétravaillait dans un sous-sol aménagé. Cette salariée s’était déconnectée après la fin de sa journée de travail et avait informé son employeur de sa chute plus d’une heure après. La cour d’appel en a déduit que l’accident était survenu en dehors du temps de télétravail. A cause de cet espace temps d’une heure (CA d’Amiens, 15 juin 2023, RG n° 22/00474).

2nd exemple : Un salarié en plein télétravail s’interrompt après un accident sur la voie publique à côté de chez lui qui a coupé sa connexion Internet. En allant voir, il est blessé par la chute d’un poteau électrique.  La cour d’appel juge sévèrement que le salarié n’est plus sur le lieu de travail et avait interrompu son travail ; il n’était pas dans sa mission d'identifier l’origine de la panne (CA de Saint-Denis de la Réunion, 4 mai 2023, RG n° 22/00884).

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Références
  • Cour d’appel de Colmar, 4ème Chambre SB, 26 juin 2025, n° 23/02870
  • Cour d’appel de Toulouse, 4ème Chambre Section 3, 13 mars 2025, n° 22/03293
  • Cour d’appel de Grenoble, chambre sécurité, 9 mars 2024, n° 22/02819
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