La Cour de cassation a rendu le 29 mai 2024 une décision intéressante sur un salarié licencié pour avoir remis un programme de son parti politique à d’autres salariés. Ici l’axe disciplinaire avait été choisi. Mais parler politique en dehors du temps de travail ne constitue pas un manquement aux obligations découlant du contrat ont décidé les juges…
Tout salarié a droit au respect de sa vie privée. Les faits qu’il commet en dehors de l’entreprise et qui relèvent de la sphère personnelle ne peuvent en principe pas justifier un licenciement disciplinaire.
Mais il y a une exception : lorsque le salarié manque à une obligation découlant de son contrat de travail comme le manquement à l’obligation de loyauté.
Un cas très médiatique vient d’ailleurs d’être rendu : celui du salarié RH qui a une liaison cachée avec une DS (voir notre article “ Vie privée : une liaison entre un chargé des relations sociales et un représentant du personnel peut-elle aboutir à un licenciement ?”
Qu’en est-il du fait de parler de son parti politique ? Cela peut-il constituer un manquement à une obligation de son contrat de travail ?
Réponse avec une décision de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, l’employeur reprochait à un salarié responsable de secteur d’avoir fait du prosélytisme politique auprès de deux collaborateurs qui sont ses subordonnés. L’un s’était vu remettre, après un événement professionnel, le programme politique du parti du salarié responsable de secteur. L’autre s’était aussi vu remettre le programme sans qu’il soit précisé si cela avait été fait dans l’enceinte de l’entreprise.
Dans cette affaire, la cour d’appel rejette la demande estimant que le salarié avait agi dans un cadre privé, et en dehors de l'enceinte de l'entreprise. Elle considère qu'un salarié est libre d'exercer ses convictions religieuses, philosophiques, ou politiques.
L'employeur tentait de faire valoir que les faits avaient eu lieu à l'issue d'une remise de trophées de l'entreprise et n’étaient donc pas dépourvus de lien avec la vie de l’entreprise.
Mais la Cour de cassation rejoint la cour d’appel. Il n’y a pas eu de remise dans l’enceinte de l’entreprise et tout s’est fait en dehors du temps et du lieu de travail.
Ces faits sont donc tirés de la vie privée du salarié, qui est libre d'exercer ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques.
Il n’y a donc pas de manquement aux obligations découlant du contrat de travail, le licenciement disciplinaire n’est pas justifié.
Notez que même si les faits s’étaient produits dans l’entreprise il n’est pas sûr que cela aurait pu justifier un licenciement disciplinaire au regard de la liberté d’expression. Encore faut-il que le salarié commette un abus.
Un licenciement non disciplinaire peut aussi se justifier en cas de trouble objectif causé à l’entreprise. Exemple type : le salarié qui perd son permis de conduire alors qu’il en a besoin pour exercer ses fonctions.
On peut penser que la façon dont le salarié exprime ses opinions politiques, notamment s’il a un comportement excessif, peut constituer un tel trouble.
Des questions sur la liberté d’expression ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.