Licenciement pour faute grave : pas justifié si l’employeur a tardé à lancer la procédure ou laissé le salarié travailler pendant le préavis !

Article Rédigé par anne-lise Castell
Publié le 28 mars 2024, mis à jour le 17 octobre 2024

Le licenciement pour faute grave est une sanction lourde pour le salarié qui se retrouve privé de ses indemnités de licenciement. Sachez toutefois que si votre employeur n’a pas été réactif en lançant la procédure, un salarié pourra contester la faute grave en justice. C’est le cas si l’employeur a attendu, sans raison valable, 25 jours pour le convoquer.  Le salarié peut aussi contester s’il a continué à travailler pendant le préavis.

La faute grave c’est quoi ?

On qualifie la faute grave comme une faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Une interruption immédiate du contrat de travail est nécessaire, ce qui explique que le salarié n’effectue pas de préavis.

Elle se distingue:

  • de la faute simple (aussi appelée faute légère) qui elle n’empêche pas le maintien du salarié au sein de l’entreprise le temps du préavis ;
  • de la faute lourde qui implique en plus une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise par ses agissements.
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Sauf dispositions plus favorables, le salarié licencié pour faute grave ne touche ni indemnité compensatrice de préavis ni indemnité de licenciement. Il a par contre droit à une indemnité au titre des congés payés non pris et aura droit à l’Assurance chômage s’il remplit les conditions requises.

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Quel délai l’employeur doit-il respecter pour prononcer une faute grave?

Lorsqu’un employeur décide d’infliger une sanction disciplinaire à un salarié, il dispose en principe d’un délai de 2 mois pour engager la procédure à compter du jour où il a connaissance des faits. Le point de départ étant marqué par la convocation du salarié à l’entretien préalable.

Mais en pratique il ne peut pas laisser tout ce délai s’écouler s’il considère que la faute est grave.

En effet, par sa définition même, la faute grave implique que le salarié ne peut pas rester dans l’entreprise même temporairement. 

Si le salarié continue de travailler plusieurs semaines, pourquoi ne pourrait-il dès lors pas effectuer de préavis?

La Cour de cassation est venue récemment confirmer que la mise en oeuvre du licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

Comment définir ce délai restreint ? Il n’y a pas de délai précis, tout va dépendre du choix des juges qui vont tenir compte des faits, du contexte.

Bon à savoir  : il y a une exception à l’application de ce délai restreint : lorsque le salarié est absent de l’entreprise et son contrat suspendu (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872). Et bien sûr si une enquête est nécessaire pour découvrir les faits cela repousse le point de départ.

Quelques exemples :

  • un délai de 3 semaines a pu être considéré comme trop long (Cass. soc., 23 octobre 2012, n° 11.23.861) ;
  • à l’inverse un délai d’un mois a pu être admis (Cass. soc., 12 octobre 2016, n° 15-20.413) comme refusé (Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-45.103).

Plus récemment, il y a eu deux nouvelles affaires. 

Dans la première, la cour d’appel avait jugé que le délai restreint n’avait pas été respecté car 4 semaines s’étaient écoulées entre la découverte des faits et la notification du licenciement. Mais c’était oublier un détail important : le salarié avait bien été convoqué rapidement et il avait été mis à pied à titre conservatoire dans les 8 jours ouvrables (par ouvrable on entend tous les jours de la semaine sauf dimanche et jours fériés). Il était donc absent de l’entreprise même si le licenciement a pris du temps. L’employeur n’avait donc pas commis d’erreur.

Dans le seconde affaire par contre, datant du 20 mars 2024,  l’employeur n’a pas respecté le délai restreint. Il s’agissait d’un salarié ayant eu un accident litigieux le 1er mars en conduisant un chariot-élévateur. Il avait toutefois continué à conduire. Les poursuites ont été engagées le 26 mars soit 25 jours après. Les juges ont relevé que l’employeur avait eu connaissance des faits le jour de l'accident, soit le 1er mars, et qu'aucune circonstance particulière ne justifiait le délai compris entre la révélation des faits et la convocation du salarié à l'entretien préalable.

Cela enlevait donc tout caractère de gravité à la faute.

Or si la faute n’est pas grave, le salarié peut réclamer en justice une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis.

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Le cas où l’employeur laisse le salarié travailler pendant le préavis

Dans la même lignée, l’employeur qui laisse le salarié travailler pendant le préavis peut difficilement se prévaloir d’une faute grave puisque celle-ci implique justement que cela ne soit pas possible.

Dans une affaire récente un salarié a été licencié pour faute grave pour des erreurs de facturation un 22 décembre. Mais il a poursuivi son travail jusqu’au 31 décembre. La Cour de cassation en a déduit que l'employeur considérait que les faits invoqués n'excluaient pas son maintien dans l'entreprise et n'étaient donc pas constitutifs d'une faute grave.

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Focus rôle CSE

Vous pouvez accompagner le salarié tout au long de la procédure disciplinaire. Il est notamment important de vérifier que l’employeur a bien suivi la procédure (à l’image de ce délai restreint pour la faute grave). Vérifiez également qu’il n’y a pas de règle particulière dans votre convention collective ou le règlement intérieur de l’entreprise qui donnerait des droits supplémentaires au salarié comme celui de recueillir l'avis d’un conseil de discipline ou d’obtenir une indemnité de licenciement même en cas de faute grave.

Vous n’avez en revanche pas à être consulté avant le licenciement d’un salarié sauf dispositions contraires ou s’agissant de certains salariés protégés.

Si la procédure a été mal suivie ou que le licenciement ne semble pas reposer sur une faute grave, le salarié pourra envisager une action devant le conseil de prud’homme pour obtenir une indemnisation.

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Références
  • Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2024, pourvoi n° 22-19.389
  • Cour de cassation, chambre sociale, 20 mars 2024, pourvoi n° 23-13.876
  • Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, pourvoi n° 22-10.167
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