Si l'employeur commet une erreur lors de la paie et verse à tort un surplus de rémunération au salarié, ce dernier ne peut pas prendre les sous et ne rien dire. Cela peut constituer une cause de licenciement. Mais encore faut-il que le salarié s’aperçoive de cette erreur. Illustration avec une affaire du 7 mai 2024.
Une erreur dans la paie, ça arrive et le salarié ne peut pas revendiquer de garder la somme versée lorsque l’erreur est manifeste. Il s'agit d’un indu que l’employeur peut récupérer via une retenue sur salaire.
Sachant que la retenue sur salaire ne peut pas être supérieure à 10 % de votre salaire net et doit apparaître sur le bulletin de paie. Il faut également respecter les limites prévues par le barème des saisies des rémunérations (C. trav., art. R. 3252-2 et suivants).
Cela peut donc prendre plusieurs mois…
Bon à savoir : le salarié qui subit cette situation peut tenter de faire valoir qu’il a subi un préjudice pour demander des dommages et intérêts. La question des revenus qui auraient été déclarés en trop à l'administration fiscale se pose notamment.
Important : Si le salarié n’est plus dans l’entreprise le remboursement peut se faire à l'amiable, sinon l’employeur doit agir en justice.
Là où ça se complique, c’est lorsque l’employeur ne s’aperçoit pas tout de suite de l’erreur et que le salarié ne dit rien. Même si l’employeur a 3 ans pour récupérer la somme à partir du jour où il s’aperçoit de son erreur, la confiance se brise… Le salarié risque alors une sanction.
La Cour de cassation a déjà tranché la question en 2019 estimant que cela pouvait constituer une faute grave même si l’erreur provient de l’employeur !
Il s’agissait d’une salariée qui pendant plusieurs mois a perçu un double salaire plus un acompte. Elle n’a rien dit et a même refusé de tout rembourser lorsque l’employeur s’en est aperçu. Les juges ont relevé le caractère volontaire et persistant de la dissimulation à l'employeur de l'existence d'un trop-perçu de rémunération, y compris après la réclamation du trop-perçu pour une partie de la période concernée. Ces faits concernaient une salariée avec beaucoup d’autonomie et s’occupant seule de l’encaissement des ventes (Cass. soc.; 11 septembre 2019, n° 18-19.522).
Récemment la Cour de cassation a apporté une nuance : il faut caractériser en quoi le salarié doit s’apercevoir de l’erreur et a commis une faute à ne rien signaler à l’employeur.
Dans cette affaire, le salarié percevait une rémunération fixe de 1716,21 euros brut par mois et une rémunération variable. Il avait un salaire minimum garanti de 3366 euros.
L’employeur lui verse au départ 1650 euros de variable puis d’un coup la somme passe à 3366 de variable en plus des 1716,21 euros. L’employeur met le salarié en demeure de restituer le trop-perçu de prime et le licencie. Le salarié conteste mais la cour d’appel rejette estimant que le salarié ne pouvait pas ignorer cette erreur dès lors que deux lettres de mission l'informaient que le montant de sa rémunération mensuelle de 3366 euros incluait le fixe et la prime. Pour la cour d’appel, cela interroge sur sa volonté d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et de percevoir une juste rémunération. Le licenciement a donc bien une cause réelle et sérieuse et des retenues sur salaire pouvaient être opérées.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Elle relève que les lettres de mission émanaient des précédents employeurs du salarié et surtout qu’elles mentionnaient un salaire minimum garanti de 3366 euros incluant la partie fixe et la partie variable. En sorte qu'il ne pouvait en être déduit que la partie variable ne pouvait excéder la somme de 1650 euros. La cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi le salarié aurait dû s'apercevoir d'une erreur et avait commis la faute en ne disant rien. L’affaire sera donc rejugée.
Focus rôle CSE. Si un salarié vient vous trouver car il s’aperçoit qu’il a perçu trop d’argent, la meilleure chose à faire c’est de lui conseiller d’en informer l’employeur et de voir avec lui comment procéder au remboursement progressif pour que cela ne fasse pas trop d’un coup. Vous devez dans tous les cas alerter le salarié sur le risque de ne rien dire.
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