Cela a été définitivement voté le 10 avril : le Code du travail est modifié pour s’aligner avec le droit européen et les décisions du 13 septembre 2023 de la Cour de cassation. Un salarié malade acquiert donc bien des congés payés. Mais il va y avoir quelques limites…
Le Code du travail n’est pas conforme avec le droit européen sur la question des congés payés et la maladie.
Cela a duré pendant des années mais a fini par conduire la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts retentissants du 13 septembre 2023, à écarter purement et simplement le droit français.
En jugeant notamment qu’un salarié malade (quelle que que soit l’origine de la maladie) peut prétendre à l’acquisition de congés payés pendant l’arrêt maladie.
Avec comme conséquence la possibilité pour les salariés de réclamer des congés payés pour les années passées, a priori sans limite du moins au moment où ces décisions ont été rendues….
Depuis cette épisode, une réaction des pouvoirs publics était donc attendue.
Et c’est via le projet de loi DDADUE 2 que le Gouvernement a réagi en ajoutant un amendement, adopté avec quelques modifications par la commission mixte paritaire. Et si ce texte confirme bien la possibilité pour un salarié malade d’acquérir des congés payés, la volonté est quand même de limiter les droits des salariés en termes de nombre de jours et durée de report.
Avec 4 points clés :
Le Code du travail va désormais le prévoir formellement : les périodes où un salarié est en arrêt maladie, pour un motif professionnel ou non professionnel, sont pris en compte pour déterminer le droit à congés payés. Elles seront assimilées à du travail effectif.
Toutefois, la 5e semaine de congés payés est exclue s’agissant des arrêts maladie ordinaires.
Un salarié en arrêt maladie ne pourra en effet acquérir :
Pour les arrêts liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle, il faudra bien appliquer la règle classique :
Notez également qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé n’est plus limitée à un an.
Notez que le Gouvernement a pris ses précautions en demandant l’avis du Conseil d'Etat. Et selon ce dernier, la différence de traitement selon l'origine de la maladie du salarié ne méconnaît pas le principe constitutionnel d’égalité et n’est pas contraire au droit de l'Union européenne. Reste à voir si le Conseil constitutionnel aura le même avis.
Le congé annuel ouvre en principe droit à une indemnité égale au 10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, s’agissant des congés acquis pendant une période de maladie ou accident ordinaire, la loi limite la prise en compte à 80 % de la rémunération associée à ces périodes.
Un salarié qui n’a pas pu prendre les congés payés qu'il a acquis en raison d’une maladie ou d’un accident bénéficie d’une période de report de 15 mois pour les utiliser. On parle ici des congés acquis avant l’arrêt mais aussi désormais pendant.
Sachant que la période de report de 15 mois peut être revue à la hausse par un accord d’entreprise ou de branche.
Cette limite de 15 mois c'était le minimum exigé par le Conseil d’Etat dans son avis consultatif au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui exige une durée de report « substantiellement » supérieure à celle de la période de référence pour l’acquisition des droits à congé annuel payé (d’un an en France).
Quant à son point de départ, il est fixé à la réception d’une nouvelle information par le salarié. En effet, désormais lorsqu’un salarié reprend le travail suite à une maladie ou un accident, l’employeur a un mois (et non pas 10 jours comme prévu initialement) pour l’informer :
Exemple : un salarié tombe malade au 1er juin de l’année N. La période de référence court du 1er juin N au 31 mai N+1. Il reprend le travail le 1er mai de l’année N+1 soit 11 mois après. Vous l’informez de ses droits à congé le jour de la reprise. Le report court jusqu’au 1er août N+2.
Cette information se fait par tout moyen permettant de conférer date certaine à la réception sachant que la loi précise que cela peut se faire au moyen du bulletin de paie (il peut aussi s’agir d’une lettre recommandée avec accusé de réception, ou lettre remise en main propre contre décharge par exemple).
Si elle n’a pas lieu, il n’y aura donc tout simplement pas de limite au report.
Une exception est prévue pour les arrêts d’au moins 1 an : la période de report débute non avec la reprise du travail et l’information par l’employeur mais à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis. Sachant que si la période de report n'a pas expiré lorsque le salarié reprend le travail, elle est suspendue jusqu’à ce qu’il reçoive l’information de son employeur. Objectif : éviter que le salarié dont l’absence dure accumule sans cesse des congés payés sur plusieurs périodes de référence.
C’est l'une des informations les plus cruciales pour les salariés : il va être possible de faire des demandes pour des situations passées et de remonter à des arrêts maladie ayant eu lieu depuis le 1er décembre 2009. Si rien n’a été jugé et qu’il n’existe aucune disposition plus favorable.
Sachant que les congés supplémentaires acquis ne peuvent, pour chaque période de référence, pas permettre au salarié d’excéder 24 jours ouvrables de congé.
Si vous vous demandez pourquoi on remonte à cette date, c’est qu'il s’agit de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a permis à un salarié de demander directement à l’employeur le bénéfice d'au moins 4 semaines de congés payés par an.
Les salariés en poste disposent d’un délai de 2 ans à compter de la publication de la loi pour entamer une telle action pour une situation passée.
Pour ceux dont le contrat a été rompu, le délai n’est pas précisé par la loi mais si on se réfère à l’avis du Conseil d’Etat, il faut appliquer la prescription de 3 ans. Ce qui fait obstacle aux actions engagées par des salariés ayant quitté leur employeur plus de 3 ans avant de saisir le juge.
Le texte a été définitivement voté au Parlement le 10 avril 2024 mais il sera très certainement soumis au Conseil Constitutionnel. Il ne sera donc applicable que sous réserve de son avis et après publication de la loi au Journal officiel. Malgré l’avis préalable du Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel reste libre de censurer ou non certaines dispositions et il y a de nombreux points sensibles notamment sur la distinction selon l’origine de l'arrêt pour le nombre de jours acquis. A suivre !
Actualisation du 29 avril 2024 : le Conseil Constitutionnel n'a finalement pas été saisi et la loi a été publiée le 23 avril 2024. Plus d'informations à ce sujet dans notre article dédié.
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