Contenu illicite sur internet et responsabilité des intermédiaires techniques : on vous explique tout

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Vous avez constaté la présence d’une publication sur internet que vous estimez contraire à la loi et vous souhaitez effectuer un signalement aux modérateurs afin de la faire supprimer ? Vous voulez savoir si vous pouvez engager la responsabilité des éditeurs ou hébergeurs des sites où se trouvent les contenus en question ?


Ne cherchez plus, vous êtes au bon endroit. Laissez-vous guider par les développements qui vont suivre, votre assistant juridique augmenté QIIRO vous explique tout sur les régimes de responsabilité des différents intermédiaires techniques.

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Lettre de notification d'un contenu illicite et mise en demeure de le retirer
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Qu’est-ce qu’un intermédiaire technique ?

Un intermédiaire technique désigne toute personne qui a la responsabilité d’une infrastructure informatique, telle qu’une partie ou la totalité d’un site internet. Il peut s’agir notamment d’un hébergeur, d’un éditeur, d’un administrateur réseau ou encore d’un webmaster.


Le régime de responsabilité de l’intermédiaire technique varie selon sa qualité. En effet, si l’éditeur d’un site engage sa responsabilité lorsqu’il publie des contenus illicites, la responsabilité de l’hébergeur se trouve, quant à elle, être beaucoup plus allégée.

La responsabilité de l’éditeur

La loi pour la confiance dans l’économie numérique définit les éditeurs comme étant “les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne”.


L’éditeur est donc la personne morale qui détermine et délimite les finalités et les moyens du traitement des données publiées sur son site. Il est donc bien responsable du traitement des données qu’il édite. 


Les juges ont d’ailleurs précisé à l’occasion de plusieurs décisions de justice que les éditeurs jouent un rôle actif dans le choix des contenus mis en ligne sur les sites dont ils ont la charge. Ils opèrent bien un contrôle sur ce qui est mis en ligne ou non.


Ce rôle de “filtre” opéré par les éditeurs leur impose une obligation de surveillance générale. En d’autres termes, ils peuvent engager leurs responsabilités civile et pénale s’ils éditent un contenu illicite, et ce du seul fait de l’existence du contenu illicite sur leur plateforme, même si cette illicéité ne leur a pas été notifiée au préalable. 


Attention, pour être qualifié d'éditeur, le prestataire technique doit réaliser un réel filtrage. C’est ainsi que la plateforme “leboncoin” a été reconnue comme ayant la qualité d’hébergeur par un jugement rendu en 2014. En effet, si leboncoin ne publie pas automatiquement les annonces, aucune intervention humaine n’est opérée sur ces dernières : en effet le contrôle est effectué par un système automatisé de traitement des données. Cela a permis à la plateforme leboncoin de bénéficier du régime de responsabilité allégée des hébergeurs, que nous vous exposons juste après.


✍    BON À SAVOIR
En matière de délit de presse un régime particulier s’applique, appelé régime de responsabilité en cascade. 


Cela signifie que vous devez d’abord chercher à engager la responsabilité du directeur de la publication ou de l’éditeur. Si cela est impossible, sera alors engagée la responsabilité de l’auteur des propos litigieux. A défaut de l’auteur, sera engagée la responsabilité des imprimeurs, et à défaut les vendeurs, distributeurs et afficheurs. 


En effet, la loi liberté de la presse prévoit que seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l’ordre :


  • Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations, et, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article 6, de les codirecteurs de la publication ;
  • A défaut, les auteurs ;
  • A défaut des auteurs, les imprimeurs ;
  • A défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.

La responsabilité de l’hébergeur

Les fournisseurs d’hébergement, aussi appelés hébergeurs, sont des intermédiaires qui assurent le stockage d’un contenu (signaux, écrits ou encore images par exemple). 


La Cour de justice de l'Union européenne a également définit le terme à l’occasion d’un arrêt Google et a affirmé “qu’est hébergeur celui qui n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données qu’il stocke à la demande des destinataires de ses services”.


Les hébergeurs n’ont donc aucun rôle ni dans l’élaboration des contenus dont ils assurent le stockage ou la transmission, ni dans la décision de diffuser ledit contenu auprès du public. 


En d’autres termes, ces derniers ne sont débiteurs d’aucune obligation générale de surveillance des contenus qu’ils stockent. En effet, le but est de privilégier la libre circulation des informations sur internet, sans que soit exercé un contrôle strict sur leur publication.


Les juges de la Cour de cassation ont d’ailleurs estimé que le fait d’obliger à un hébergeur de prévenir la réapparition d’images illicites revenait à lui imposer un devoir général de surveillance.


La responsabilité des hébergeurs est encadrée par l’article 6 de la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN), lequel dispose que : 


2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.


L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.


3. Les personnes visées au 2 (les hébergeurs) ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.”


En d’autres termes, un hébergeur ne peut engager sa responsabilité civile ou pénale que s’il avait connaissance du caractère illicite de la donnée stockée ou si le caractère illicite de la donnée a été porté à sa connaissance et qu’il n’a rien fait pour la retirer ou la rendre inaccessible.


Pour porter à la connaissance de l’hébergeur il faut donc lui notifier l’existence du contenu illicite en passant par la procédure de la notification. La notification permet de présumer la connaissance, de la part de l’hébergeur, du caractère illicite du contenu litigieux. 


Toutefois, pour être valable et pour faire jouer la présomption, la notification se doit d’être précise et de respecter les mentions obligatoires prévues par l’article 6-I-5 de la LCEN, lequel dispose : 


La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants :


  • La date de la notification ;
  • Si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
  • Les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • La description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  • Les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • La copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.


✍    BON À SAVOIR
L'absence d’une seule de ces mentions suffit à rendre la notification irrecevable.

 

En effet, selon les juges, une notification ne contenant pas l’ensemble des éléments ci-dessus exposés est considérée comme non conforme et ne permet pas de faire présumer la connaissance par l’hébergeur du caractère illicite du contenu signalé. 


Il est également impératif que la notification permette l’identification du contenu litigieux. La cour de cassation a notamment retenu que : 


« la notification doit comporter l’ensemble des mentions prescrites ; que la cour d’appel, qui a constaté que les informations énoncées à la mise en demeure étaient insuffisantes à satisfaire à l’obligation de décrire et de localiser les faits litigieux mise à la charge du notifiant et que celui-ci n’avait pas joint à son envoi recommandé les constats d’huissier qu’il avait fait établir et qui auraient permis à l’opérateur de disposer de tous les éléments nécessaires à l’identification du contenu incriminé, a pu en déduire, sans encourir le grief du moyen, qu’aucun manquement à l’obligation de promptitude à retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ne pouvait être reproché à la société Dailymotion ».


Il semble découler de cette décision de justice que les juges exigent également la réalisation préalable et la communication à l’hébergeur d’un constat d’huissier, établissant et prouvant la diffusion du contenu litigieux sur les sites internets. 


Si après notification l’hébergeur refuse de retirer le contenu vous pouvez alors engager sa responsabilité civile ou pénale. 


Attention toutefois car, comme l’a retenu le Conseil constitutionnel dans une décision, l’hébergeur conserve un pouvoir d’appréciation. Cela signifie qu’il n’engagera pas nécessairement sa responsabilité s’il refuse de retirer des contenus qu’il juge comme n’étant pas manifestement illicite, notamment si « les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré » ne lui semblent pas être suffisamment précis et probants. 


Cela limite considérablement les possibilités de retraits de certains contenus car les hébergeurs sont tenus de retirer uniquement les contenus qui sont d’évidence illicites. Le but est ici d’éviter que les hébergeurs statuent en tant que juge sur le bien fondé d’une demande de retrait d’un contenu. 


Par exemple, un contenu portant atteinte à la législation relative à la protection des mineurs est manifestement illicite, l’hébergeur se devra donc de le retirer dès qu’il aura pris connaissance de l’existence dudit contenu. En revanche, une personne qui solliciterait un hébergeur afin que des propos, qu’elle juge comme étant diffamatoires, à son sujet soient supprimés aurait bien du mal à obtenir gain de cause tant la caractérisation de la diffamation est aléatoire et mérite une étude des faits sur le fond.

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Comment agir contre un hébergeur ?

Avant d’engager la responsabilité de l'hébergeur, vous devez, dans un premier temps, vous adresser à l’auteur de l’annonce afin de lui demander de supprimer les contenus litigieux, à moins que vous ne disposiez d’aucun moyen vous permettant d’identifier ce dernier, auquel cas vous pouvez également déposer une plainte contre X. Cette dernière sera ensuite transmise au procureur de la République, lequel dispose de l’opportunité des poursuites : cela signifie qu’il est libre de décider s’il souhaite classer l’affaire ou bien engager des poursuites.


Vous pouvez par ailleurs demander au site de vous communiquer l’identité de la personne en question afin de déposer une plainte nommée. Si l’hébergeur refuse de vous adresser cette information, vous pouvez alors faire une requête en communication de données auprès du tribunal judiciaire, ce qui vous permettra de vous voir délivrer un titre exécutoire, c'est-à-dire un document obligeant l’hébergeur à vous communiquer les données demandées. Pour cela il convient d’être assisté d’un avocat.


Il est aussi possible d’agir en référé. Il s’agit d’une procédure d’urgence se déroulant auprès du tribunal judiciaire et permettant de demander des mesures d’instructions. A ce titre, l’autorité judiciaire peut prescrire aux hébergeurs toutes mesures de nature à prévenir un dommage ou à le faire cesser.


Pour conclure, si vous souhaitez engager la responsabilité d’un hébergeur, il convient dans un premier temps de procéder à une notification, conformément à la procédure de notification ci-dessus exposée, auprès de ce dernier. 


Vous savez désormais tout sur la responsabilité des éditeurs et des hébergeurs de contenus illégaux. Si vous avez des questions, nos juristes sont à votre disposition pour y répondre par chat, mail ou par téléphone.

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