Le contrôle URSSAF est généralement une grande source de stress pour le CSE, mais de quoi s’agit-il en réalité et faut-il le craindre ? L'URSSAF est chargée du recouvrement des cotisations et contributions sociales qui permettent de financer la Sécurité sociale. L’agent de contrôle de l’URSSAF a donc pour mission de vérifier auprès de l’employeur que toutes les sommes versées aux salariés ont bien été déclarées et que les charges sociales ont été payées (CSS, art. L. 213-1). Dans le cas contraire, le risque encouru est un redressement. Le CSE de l’entreprise entre dans la sphère du contrôle URSSAF qui peut décider que des prestations ASC doivent être soumises à cotisations. Alors, faut-il paniquer ? Non, si l’on suit 3 consignes : connaître les règles, anticiper, et justifier. Rester serein est la clé pour ne pas risquer un redressement qui pourrait coûter cher au comité... et donc aux salariés.
Lorsque l’URSSAF décide de contrôler une entreprise, elle contrôle l’employeur qui est le seul responsable juridiquement du paiement des cotisations sociales. C’est dans ce cadre que le CSE est contrôlé, par extension, car l’URSSAF va alors regarder les prestations offertes par le CSE aux salariés via les activités sociales et culturelles (ASC).
Si le CSE a des salariés (par exemple un secrétaire salarié ou une équipe en charge des activités) il est alors lui-même employeur. A ce titre, il peut être contrôlé indépendamment de l’entreprise.
A retenir : C’est bien l’entreprise et non le CSE qui est contrôlé par l’URSSAF. Un CSE qui n’est pas lui-même employeur n’a pas d’existence légale vis-à-vis de l’URSSAF, il n’est visible qu’au travers de l’entreprise. Ainsi, l’avis de passage que l’URSSAF est tenue d’envoyer à l’entreprise pour prévenir de son contrôle n’est adressé qu’à l’employeur, pas au CSE.
Bon à savoir : En cas de redressement au titre des ASC, il ne sera pas possible de contester la régularité du contrôle au motif que le CSE n’a pas été officiellement informé par l’URSSAF de sa venue.
Il existe deux types de contrôles : le contrôle sur pièces et le contrôle sur place.
Le contrôle sur pièces étant destiné aux entreprises de moins de 11 salariés, c’est le contrôle sur place qui va ici nous intéresser.
Contrôle sur place
Ce type de contrôle est le plus fréquent. L’inspecteur de l’URSSAF se déplace directement dans l’entreprise pour vérifier les trois dernières années ainsi que l’année en cours.
A cette occasion, il demande souvent à rencontrer le CSE et peut exiger :
Important : Il est nécessaire de garder tous les justificatifs au moins 6 ans à partir de la date à laquelle ils ont été établis ou reçus (CSS, art. L. 243-16).
L’URSSAF prévient l’entreprise avant sa venue sur site, sauf en cas de suspicion de travail dissimulé. L’organisme envoie un avis de contrôle à l’entreprise au moins 30 jours avant la visite des agents de contrôle de l’URSSAF dans lequel il est mentionné :
Lors du contrôle, les membres du CSE ont l’obligation de recevoir les contrôleurs. Ils doivent leur permettre d’exercer leurs vérifications sans s’opposer à leurs demandes et leur fournir un libre accès à tous les documents requis. A défaut, ils s’exposent à une pénalité voire à des dommages-intérêts. Les tribunaux ont admis que les auteurs de l'infraction d'entrave au contrôle peuvent être condamnés à verser des dommages-intérêts à la partie civile (T. corr. Saint-Quentin, 16 nov. 1956, n°16-1957-C4). Durant le contrôle, l’URSSAF a la possibilité d’interroger les salariés.
Le CSE peut se faire assister par un conseil de son choix (avocat, expert-comptable…).
Focus membres du bureau : Le contrôleur de l'URSSAF demandera souvent à vous rencontrer, ou tout du moins le trésorier du CSE. C’est une bonne chose car il est préférable de ne pas laisser l’employeur parler en votre nom d’autant qu’il n’est pas toujours au fait de vos pratiques dans le détail. Vous êtes les interlocuteurs qui sauront répondre le plus précisément aux questions du contrôleur.
A noter : Empêcher l’accès aux documents est une mauvaise idée. Même si le CSE n’est pas légalement responsable du contrôle, y faire obstacle sera contre-productif parce qu’en cas de redressement sur des prestations sociales, c’est la subvention ASC qui sera impactée, ce qui diminuera le budget pour les activités à venir.
Ce n’est pas tant le contenu des avantages que leur mode d’attribution qui intéresse l’URSSAF. Elle cherche à savoir :
Bon à savoir : une modulation est possible dans certains cas. Il sera alors contrôlé si les critères de répartition mis en place par le CSE sont objectifs, pertinents et non-discriminatoires.
Si le CSE est lui-même employeur, le contrôleur vérifiera le respect des règles relatives à l’embauche des salariés (déclaration des salariés, paiement des cotisations sociales…)
Halte aux discriminations
Les activités sociales et culturelles doivent bénéficier aux salariés, sans discrimination. Le CSE n’a donc pas le droit d’exclure ouvertement une catégorie de salariés ou faire une distinction liée à des critères d’ordre professionnel : CDI/CDD, salariées en congé maternité, salariés ayant un coefficient hiérarchique supérieur à un certain indice, salariés en longue maladie, temps de travail (temps plein/temps partiel), présence effective, etc.
Si l'URSSAF estime que l’activité est discriminatoire, elle est en droit de considérer qu’il ne s’agit pas d’une activité sociale et culturelle mais d’un avantage salarial soumis à cotisations.
Faire une distinction entre les cadres et les non-cadres, sans autre justification, est discriminatoire. Il n’est donc pas possible de faire varier le montant des chèques-vacances en fonction de la catégorie professionnelle des salariés.
A noter : Certains CSE décident de laisser aux salariés le choix des prestations dont ils veulent bénéficier. Par exemple, le salarié peut choisir entre les chèques vacances ou le remboursement d’une partie d’une location de vacances. Mais attention, car certaines URSSAF considèrent que ce genre de pratique est discriminatoire. Il convient donc de vérifier la faisabilité auprès de son URSSAF.
Une possible modulation
Il est possible de moduler les avantages sur des critères sociaux :
En revanche, les critères professionnels sont à proscrire :
Sinon, les prestations perdent leur caractère social et deviennent assimilées à un complément de rémunération, et soumises à charges.
Quid du critère d’ancienneté ?
Depuis une décision du 3 avril 2024 (Cass. soc., n° 22-16.812), il ne fait plus aucun doute que les CSE n’ont pas le droit de subordonner l’accès aux ASC à une ancienneté minimale dans l’entreprise. Dès son premier jour de travail, le salarié a le droit d’accéder aux prestations du CSE.
Focus membres du bureau : D’après le site des URSSAF si votre CSE utilise encore le critère de l’ancienneté, vous avez jusqu’au 31 décembre 2025 pour vous mettre en conformité. Après cette date butoir, le comité s’expose à un véritable risque de redressement URSSAF. Nous vous recommandons de ne pas attendre la fin de l’année pour vous mettre en conformité car il pourrait vous être reproché une discrimination par un salarié ou même par une organisation syndicale.
Ce que ne contrôle pas l’URSSAF
Important : Attention toutefois, si la comptabilité est inexistante ou floue, l’URSSAF peut redresser forfaitairement sur la base de la subvention reçue.
L’inspecteur de l’URSSAF va demander à voir la comptabilité du CSE et le catalogue des activités et prestations proposées aux salariés. Il va prendre au hasard 2 ou 3 bénéficiaires, s’assurer que le comité a bien tous les justificatifs, qu’il n’y a pas de discrimination, etc.
Pour être serein, le CSE doit donc :
Focus membres du bureau : Si votre CSE utilise un peu de son budget de fonctionnement pour offrir aux salariés des goodies dans le cadre d’une action de communication, l’URSSAF pourrait vous le reprocher, non pas parce qu’ils ont été payés avec le budget de fonctionnement, mais parce qu’ils ont procuré aux salariés un avantage en nature en dehors des règles relatives aux bons d’achat et aux cadeaux.
Si à l’issue du contrôle, le contrôleur URSSAF n'a trouvé aucune anomalie, il n'y aura aucune conséquence pour le CSE.
S’il a repéré des anomalies, l’employeur subira un redressement et devra payer les cotisations dues qui n’ont pas été versées. Dans ce cas :
Exemples : peuvent déclencher un redressement :
Des cadeaux "de communication" payés avec le budget de fonctionnement mais perçus comme des cadeaux aux salariés (soumis à cotisations).
Le paiement du redressement
Techniquement, c’est l’entreprise qui subit le contrôle et qui est redressée. Elle doit s’acquitter des cotisations dues ainsi que des majorations de retard.
S’il s’avère que le redressement vient de prestations décidées uniquement par le CSE, l’employeur peut :
Et en cas de litige avec l’URSSAF, l’employeur peut appeler le CSE en garantie.
A retenir : même si le comité n’est pas la cible directe du contrôle, il est toujours impliqué.
Recours
L’entreprise a la possibilité de contester le contrôle URSSAF.
Si le comité a un doute sur une prestation (cadeaux, voyages, etc.), ou sur les critères qu’il souhaite appliquer, il a la possibilité de demander un rescrit social à l’URSSAF (CSS, art. L. 243-6-3).
A noter : Le CSE peut penser que le fait de s’adresser à l’URSSAF va attirer son attention et que cela va déboucher sur un contrôle : ce n’est pas la réalité.
Le rescrit social est une demande écrite d’une page à laquelle l’URSSAF doit répondre en prenant position. Et si elle ne répond pas dans les 3 mois, cela vaut accord tacite.
L’employeur ne peut pas s’opposer à la démarche du CSE.
Ce mécanisme permet d’obtenir une réponse explicite de l’URSSAF sur une situation particulière. En cas de contrôle URSSAF, elle possède une force probante. Le CSE peut donc la présenter comme preuve de sa bonne foi.
Focus membres du bureau : Nous vous conseillons de vous faire aider par un expert-comptable ou un avocat pour rédiger le rescrit correctement. Egalement, de garder une copie de cette demande avec l’accusé de réception.
Voici un modèle à adresser à l’URSSAF dont dépend votre entreprise. Il est préférable de l’envoyer par courrier recommandé avec AR, ou via leur portail sécurisé si disponible.
À :
URSSAF de [nom du département]
[Adresse de l’URSSAF]
Objet : Demande de rescrit social – application des exonérations sur une prestation d’ASC
[Lieu], le [date]
Madame, Monsieur,
Nous vous saisissons dans le cadre de la procédure de rescrit social prévue à l’article L. 243-6-3 du Code de la sécurité sociale, afin d’obtenir une prise de position formelle sur l’application du régime social à une prestation envisagée par notre comité social et économique (CSE).
Notre demande porte sur la prestation suivante :
Nous souhaitons savoir si, dans ces conditions précises, cette prestation est éligible à une exonération de cotisations sociales au titre des activités sociales et culturelles.
Nous restons à votre disposition pour tout document complémentaire.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Le CSE de [nom de l’entreprise]
[Nom et fonction du signataire – président(e) du CSE ou secrétaire]
[Adresse postale du CSE]
[Email de contact]
[Téléphone]
Et en cas de doute, il convient d’envisager un rescrit social.
En appliquant ces quelques règles simples, le CSE se protège, ainsi que sa dotation.
Un redressement ne peut en principe pas concerner un point déjà vérifié et validé par l’URSSAF lors d’un précédent contrôle. Mais il faut prouver que : les documents ont bien été vus ; que les faits sont restés les mêmes ; que l’URSSAF avait vraiment compris de quoi il s’agissait (CSS, art. R. 243-59-7). Cela n’est pas simple à démontrer, alors le rescrit social reste l’outil le plus sécurisant.
Non, mais le CSE peut être impliqué si les prestations sont à son initiative.
Ce n’est plus possible sous peine de discrimination. Les entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2025 pour se mettre en conformité vis à vis de l’URSSAF.
Non, l’URSSAF ne redressera pas le CSE sur ces points. Si, par exemple, le CSE se dote d’un site internet qu’il utilise à la fois pour son fonctionnement et pour ses ASC, il devrait ventiler la dépense qu’il engage sur les deux budgets. S’il ne le fait pas, à l’occasion d’un contrôle, l’URSSAF peut lui faire un rappel à la loi sans conséquences juridiques.
Cour de cassation, chambre sociale, 12 mars 2025, pourvoi n° 23-21.223 (confirme que l'ouverture du droit de l'ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l'entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d'ancienneté)
Cour de cassation, chambre sociale, 3 avril 2024, pourvoi n° 22-16.812 (les CSE n’ont plus le droit de subordonner l’accès aux ASC à une ancienneté minimale dans l’entreprise)
Cour de cassation, chambre sociale, 8 juin 2011, pourvoi n° 10-14.725 (faire une distinction entre les cadres et les non-cadres, sans autre justification, est discriminatoire)
Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 juin 2007, pourvoi n° 06-15.391 (lorsque le CSE n’est pas officiellement informé de la venue de l’URSSAF)
Cour de cassation, chambre sociale, 27 janvier 1994, pourvoi n° 91-14.628 (l’employeur poursuivi en justice par l’URSSAF peut appeler le CSE en garantie)
Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 1988, pourvoi n° 86-17.284 (l’employeur est le seul débiteur légal du paiement des charges sociales et celui qui peut être redressé par l’Urssaf)
Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 1988, pourvoi n° 85-18.557 (l’employeur peut agir en justice contre le comité en remboursement des sommes redressées)
Cour d’appel d’Amiens, 4 février 2021, n° 19/06377 (le CSE ne peut moduler le montant des prestations en fonction de critères professionnels)
Communiqué URSSAF, CSE-Critère d’ancienneté interdit : un délai de mise en conformité accordé, publié le 30 juillet 2024
www.urssaf.fr, guide CSE
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