Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut utiliser son budget de fonctionnement pour financer une expertise libre pour l’aider dans ses travaux. La difficulté c’est que le Code du travail donne très peu d’indications sur l’expertise libre. Pire de nombreux articles du Code du travail prévoient des règles concernant ‘l’expertise” mais on ignore si elles s’appliquent uniquement aux expertises légales. Pourtant une expertise libre peut être un vrai atout pour le CSE. Dans quels cas peut-on avoir recours à une expertise libre ? Quel type d’expert peut-on nommer et comment le désigner ? Comment ce dernier peut-il travailler et avoir accès aux documents nécessaires ? Le CSE est-il toujours le seul à prendre en charge l’expertise libre ? L’employeur peut-il contester une expertise libre ? Voici autant de questions que nous traitons dans cette fiche pratique consacrée aux expertises libres.
Le Code du travail envisage un certain nombre de cas dans lesquels le CSE peut se voir financer en tout ou partie une expertise par l’employeur. L’expertise est alors menée, selon les situations, par un expert-comptable ou un expert habilité.
L’expert-comptable sera compétent pour les expertises menées dans le cadre des consultations récurrentes ou certaines consultations ponctuelles telles que les opérations de concentration, l'exercice du droit d'alerte économique, une procédure de licenciements collectifs pour motif économique, une offre publique d'acquisition.
L’expert habilité sera de son côté compétent :
Vous pouvez consulter notre fiche sur les 10 cas dans lesquels le CSE peut avoir recours à un expert-comptable ou un expert habilité pour en savoir davantage.
Si vous êtes dans une telle situation, mieux vaut privilégier le recours à un expert-comptable ou un expert habilité afin de ne pas avoir à financer vous-même l’expertise.
Le CSE peut faire appel à l’expertise libre pour la préparation de ses travaux (C. trav., art. L. 2315-81).
Une telle expertise peut donc être utile pour toutes les questions qui relèvent de la compétence du CSE. Y compris d’ailleurs les domaines où le recours à un expert-comptable ou un expert habilité est déjà prévu. Cela peut notamment permettre d’adjoindre un spécialiste qui complétera le travail de l’expert légal.
Le CSE peut ainsi mandater un spécialiste indépendant sur les thématiques de son choix :
Bon à savoir : Cette expertise est ponctuelle mais peut aussi être reconduite sur plusieurs années à des fins de comparaison. Tout dépend de votre objectif et du budget que vous pouvez y consacrer.
On parle d’expert libre justement car le CSE dispose d’une grande liberté pour choisir son expert. Il n’est pas nécessaire de recourir à une personne dont les compétences sont reconnues par un organisme certificateur.
Il n’y a pas de restriction quant au choix de l'expert. Libre à vous de vous adresser à toute personne qui dispose de compétences dans un domaine spécifique : ergonome, économiste, psychologue, juriste, ingénieur, société de communication, etc.
Bon à savoir : l’INRS précise qu’il n'y a pas d'incompatibilité entre la fonction d'expert et toute autre qualité. L'expert peut donc être, par exemple, “un ancien salarié de l'entreprise, un syndicaliste, un avocat, un salarié d'une autre entreprise” . A noter qu’il peut aussi s’agir d'un expert-comptable (en dehors des cas de prise en charge par l'employeur définis par le législateur).
Le Code du travail ne prévoit rien à ce sujet. On considère néanmoins qu’il faut mieux faire une délibération, votée à la majorité des membres titulaires présents.
Contrairement à l’expert-comptable du CSE et à l’expert habilité, l’expert libre ne dispose pas d’un libre accès dans l’entreprise. Il a accès au local du CSE si l’employeur donne son accord comme il s’agit d’une personnalité extérieure.
Il ne peut avoir accès à d’autres documents que ceux détenus par le CSE lui-même.
En effet, le Code du travail prévoit que l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission (C. trav., art. L. 2315-83) mais ne vise pas expressément l’expert libre du CSE. Une décision de cour d’appel a déjà jugé que pour une expertise libre, l’employeur n’est pas tenu de délivrer d’informations supplémentaires (CA de Caen, 11 avril 2023, RG n° 22/01120).
Par contre, le CSE a accès à un certain nombre d’informations économiques, sociales et environnementales via la BDESE, il a aussi accès au registre unique du personnel, au document unique et à l'ensemble des livres, registres et documents non nominatifs comme le registre des dangers graves et imminents
Bon à savoir: il n’est pas non plus prévu que l’expert vienne présenter son rapport en réunion plénière du CSE sauf si l’employeur donne son accord.
Le Code du travail prévoit que l’expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion prévues pour les membres du CSE (C. trav, art. L. 2315-84)
Mais là encore, le Code du travail ne précise pas clairement si l’expert libre est concerné. Néanmoins, par sécurité, mieux vaut respecter cette obligation.
En l’absence d’accord, le délai accordé au CSE pour rendre son avis lorsqu’il est consulté est de 1 mois dans le cas classique. Mais ce délai est porté à 2 mois en cas d’intervention d’un expert. Est-ce que ça marche aussi dans le cas d’une expertise libre ? Là encore il y a débat et on pourrait penser que non puisque le Code du travail ne vise pas expressément les experts libres. Une décision de cour d’appel a toutefois jugé que oui car le Code du travail ne restreint pas la prolongation du délai de consultation aux hypothèses d'expertise légale en excluant l'expertise libre (CA de Versailles, 11 mai 2023, RG n° 23/00226).
La remise d’un rapport par l’expert libre n’est encadrée par aucun délai.
Il faut donc envisager la question d’emblée avec lui et fixer un délai raisonnable. A titre indicatif, pour un expert habilité ou l’expert-comptable, sauf dans les cas où un délai autre a été fixé, l'expert remet son rapport dans un délai de 2 mois à compter de sa désignation. Ce délai peut être renouvelé une fois pour une durée maximale de 2 mois, par accord entre l'employeur et le CSE.
Bon à savoir : si l’expert doit remettre son rapport au CSE, il n’est pas exigé qu’il remette une copie de son rapport à l’employeur.
Là encore le flou demeure.
Les dispositions de l'article L.2315-86 du code du travail relatives à la contestation de l’expertise par l’employeur ne semblent pas applicables à l’expertise libre puisqu’elles évoquent le cahier des charges et le coût pour l’employeur.
La cour d’appel de Caen semble d’ailleurs exclure l’application de cet article (CA de Caen, 11 avril 2023, RG n° 22/01120).
On peut aussi imaginer que l’employeur puisse tenter de contester en invoquant une manoeuvre dilatoire du CSE (autrement dit une tentative de gagner du temps non justifiée).
Normalement oui, cette expertise est totalement à la charge du CSE. Il faut utiliser à cette fin le budget de fonctionnement.
Mais vous pouvez tenter d’obtenir un accord de l’employeur pour un financement. Par exemple pour une expertise sur les risques psychosociaux (RPS) qui pourrait aussi lui être utile dans le cadre de son obligation de protéger la santé physique et mentale des salariés.
Bon à savoir : Normalement les CSE de moins de 50 salariés n’ont pas de budget de fonctionnement. Mais certains CSE d'entreprise de moins de 50 salariés ont un budget octroyé volontairement par l'employeur. Les concernant, on peut penser qu’il est possible de financer des travaux via l’expertise libre.
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