En tant qu’élu du CSE, vous êtes régulièrement destinataire d’informations sensibles sur la vie de l’entreprise. Certaines vous sont transmises comme confidentielles, d’autres le deviennent à l’oral, sans avertissement clair. Difficile alors de savoir ce que vous avez le droit de partager — ou non.
La confidentialité ne doit pas devenir un outil pour restreindre votre mandat. Elle vous engage, mais elle engage aussi l’employeur. Vous devez savoir dans quels cas l’obligation s’applique, comment la contester si elle est abusive, et quels réflexes adopter pour vous protéger.
Cette fiche vous guide pas à pas : distinction entre secret professionnel et obligation de discrétion, critères pour reconnaître une information réellement confidentielle, posture à adopter en réunion, bonnes pratiques au quotidien, recours possibles. Vous y trouverez aussi une FAQ, un quiz de validation, et les principales sources à jour pour aller plus loin.
En tant qu’élu du CSE, vous accédez à des informations stratégiques, sensibles, parfois même personnelles. Ce n’est pas un privilège, c’est une responsabilité. Car si l’on vous confie ces éléments, c’est aussi parce que la loi vous place sous une double obligation : le secret professionnel et l’obligation de discrétion.
La distinction entre ces deux notions est essentielle. Cette obligation ne repose pas sur un principe général de silence. Elle encadre précisément ce que vous pouvez ou non partager, dans quelles conditions, et pendant combien de temps. Cette obligation vise à protéger les intérêts légitimes de l’entreprise, mais ne peut pas être utilisée pour vous empêcher d’exercer votre mandat.
Il n’est pas rare que l’employeur évoque « la confidentialité » comme un rideau à ne pas franchir. Mais attention : tout ne peut pas être déclaré confidentiel par simple affirmation. Et tout élu du CSE, expérimenté ou non, doit savoir distinguer ce qui relève réellement de cette obligation — et ce qui en est un usage abusif.
La confidentialité ne doit jamais devenir un prétexte pour restreindre votre rôle d’intermédiaire entre les salariés et l’employeur. Au contraire : bien maîtrisée, elle vous protège aussi. Elle vous permet de travailler avec rigueur, d’exiger de vraies justifications et de défendre, le cas échéant, le droit à l’information du CSE.
Car en matière de confidentialité, ce n’est pas à vous de prouver que vous avez le droit de parler. C’est à l’employeur de prouver que vous devez vous taire.
A retenir
L’obligation de confidentialité dans le cadre du mandat CSE repose sur deux règles distinctes : le secret professionnel (automatique pour les procédés de fabrication) et l’obligation de discrétion (à condition que l’information soit confidentielle et signalée comme telle). Vous êtes tenu de les respecter, mais pas de tout accepter sans preuve ni explication.
Bon à savoir : La confidentialité ne s’applique que si l’information n’est pas déjà connue des salariés ou du public, et si l’employeur vous l’a signalée clairement, au bon moment. Une mention tardive ou vague ne suffit pas.
Ces deux notions sont souvent confondues, y compris par l’employeur. Pourtant, leur portée juridique et leurs conditions d’application sont bien distinctes. En tant qu’élu du CSE, il est essentiel de les différencier pour éviter de céder à des injonctions injustifiées ou, à l’inverse, de commettre une erreur susceptible d’engager votre responsabilité.
Le secret professionnel s’applique de plein droit, sans que l’employeur le mentionne. Il concerne exclusivement les procédés de fabrication de l’entreprise. Ces informations bénéficient d’une protection renforcée : leur divulgation peut entraîner des sanctions pénales ou un licenciement pour faute grave, notamment en cas d’intention de nuire.
Ce que cela implique pour vous :
L’obligation de discrétion ne s’applique que si deux conditions sont réunies :
Contrairement au secret professionnel, cette obligation peut donc être contestée. Vous êtes en droit de demander :
Une information déjà connue, ou que l’on peut trouver publiquement, ne peut pas être traitée comme telle. Le simple fait qu’un sujet soit sensible ne suffit pas.
Sanctions possibles en cas de manquement à l’obligation de discrétion
Contrairement au secret professionnel, l’obligation de discrétion ne relève pas du droit pénal : aucun texte ne prévoit de sanction pénale en cas de manquement. Elle peut en revanche entraîner des sanctions disciplinaires internes (avertissement, mise à pied…), voire une action civile (visant à faire cesser la divulgation et/ou à indemniser l’entreprise) si un préjudice est démontré.
Pour qu’une sanction soit valable, l’employeur doit pouvoir établir :
A ce titre, la Cour de cassation a validé un avertissement disciplinaire infligé à un élu ayant imprimé un document confidentiel sur l’imprimante d’un hôtel, au lieu d’utiliser la procédure sécurisée prévue en interne (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-10.366).
🔎 Bon à savoir
A ce jour, aucun tribunal n’a eu à se prononcer sur un licenciement de représentant du personnel exclusivement fondé sur un manquement à l’obligation de discrétion. Il n’existe donc pas de jurisprudence sur ce point.
Un tel licenciement nécessiterait l’autorisation préalable de l’inspection du travail, et une motivation solide et rigoureuse des faits reprochés.
A retenir
Le secret professionnel est automatique, mais limité aux procédés de fabrication. L’obligation de discrétion ne vaut que si l’employeur vous a clairement informé du caractère confidentiel de l’information et qu’il peut le justifier. Vous avez le droit de poser des questions ou de contester une mention abusive.
👥 Je suis nouvel élu CSE…Retenez ceci : tout n’est pas confidentiel. Si un document ne porte pas sur un procédé de fabrication et que l’employeur ne vous a rien signalé, vous pouvez en parler. En cas de doute, posez la question, demandez une trace écrite, et conservez-la.
L’employeur peut évoquer la confidentialité à tout moment : en réunion, par écrit, à l’oral. Mais ce n’est pas parce qu’un document est estampillé « confidentiel » qu’il l’est réellement. En tant qu’élu, vous avez tout intérêt à savoir identifier les cas où l’obligation de discrétion s’impose… et ceux où elle ne tient pas.
Pour que l’obligation de discrétion s’applique, deux critères doivent être réunis : l’information ne doit pas être publique, et l’employeur doit avoir signalé sa confidentialité au moment de sa communication. A défaut, vous êtes libre d’en parler.
🔎 Bon à savoir
Certaines informations sensibles peuvent aussi relever du « secret des affaires », protégé par une législation spécifique. Cela suppose qu’elles aient une valeur économique, qu’elles soient réellement gardées confidentielles et qu’elles fassent l’objet de mesures de protection concrètes. Dans ce cas, les conséquences d’une divulgation peuvent être renforcées.
Voici des exemples d’informations qui peuvent légitimement être couvertes par une obligation de discrétion, si elles remplissent les deux critères :
Attention : une information sensible n’est pas forcément confidentielle. La charge de la preuve repose toujours sur l’employeur.
Certains types d’informations ne peuvent pas être protégés par l’obligation de discrétion, même si l’employeur le demande :
Si l’employeur tente de tout classer comme confidentiel, vous avez le droit de lui opposer un refus argumenté.
Pour en savoir plus sur les droits d’accès du CSE à la BDESE et les limites à la confidentialité, vous pouvez consulter nos fiches Tout savoir sur l’accès du CSE à la BDESE et Tout savoir sur les informations mises à disposition du CSE via la BDESE.
A retenir
Pour qu’une information soit couverte par l’obligation de discrétion, elle doit être à la fois confidentielle dans son contenu et signalée comme telle par l’employeur au moment opportun. Une simple étiquette « confidentiel » ne suffit pas.
Bon à savoir : L’information confidentielle ne le reste pas indéfiniment. Dès qu’elle devient publique ou accessible à l’ensemble des salariés, l’obligation de discrétion prend fin automatiquement. Pensez à vérifier si une levée de confidentialité est possible avant de diffuser.
Lorsqu’un employeur affirme en réunion que certaines informations sont confidentielles, cela ne suffit pas à engager automatiquement votre responsabilité. En tant qu’élu du CSE, vous avez le droit – et parfois le devoir – de questionner cette déclaration. Encore faut-il savoir comment réagir sans bloquer le dialogue.
Pour que l’obligation de discrétion s’applique, l’employeur doit :
S’il ne remplit pas ces conditions, vous n’êtes pas tenu de respecter le silence. Une simple affirmation orale non reprise au procès-verbal n’a pas de valeur contraignante.
Ce que vous pouvez faire :
Focus Je siège au conseil d’administration…
En tant que représentant du CSE, vous assistez à des réunions où circulent des informations sensibles. Le Code de commerce vous impose une obligation de discrétion sur les éléments présentés comme confidentiels par le président du conseil (articles L. 225-37 et L. 225-92).
Vous pouvez relayer ces éléments en réunion CSE, mais il est préférable de le faire dans un cadre formel, en présence de l’employeur, pour qu’il puisse confirmer la nature confidentielle de l’information. Cela vous permet d’informer le CSE sans vous exposer.
Lorsque des informations confidentielles sont présentées en réunion, il est conseillé de prévoir:
Cette double version permet de respecter à la fois la loi et votre rôle d’intermédiaire. Vous ne diffusez que ce qui peut l’être, sans omettre ce qui a été débattu.
Soyez également vigilant lors de l’adoption du PV : si l’employeur ne signale pas qu’une information est confidentielle au moment de la réunion, il ne pourra plus exiger a posteriori qu’elle soit traitée comme telle.
L’employeur ne peut pas interdire aux élus de prendre des notes. Il ne peut pas non plus vous empêcher d’emporter un document sous prétexte qu’il est marqué « confidentiel ».
En cas d’abus répété, le CSE peut :
Exemple concret
Lors d’une réunion sur un projet de réorganisation, l’employeur affirme que le document est confidentiel, sans autre précision. Le secrétaire du CSE demande alors que cette mention soit actée au PV. En parallèle, une version du procès-verbal est préparée sans les données stratégiques, pour permettre l’information des salariés sans contrevenir à l’obligation de discrétion.
A retenir : Si l’employeur déclare une information confidentielle, il doit le faire clairement, au bon moment et avec des justifications solides. Vous pouvez exiger que cette mention figure au PV et adapter votre communication en conséquence.
Respecter l’obligation de confidentialité ne se limite pas à garder le silence. Il s’agit aussi d’adopter des réflexes concrets dans la gestion des documents, des échanges et de la communication avec les salariés. Cela vous protège personnellement, mais permet aussi au CSE de rester crédible et légitime face à l’employeur.
Si l’employeur a respecté les conditions de fond et de forme (caractère objectivement confidentiel + signalement clair au bon moment), vous devez vous abstenir de transmettre l’information :
Une faute dans ce domaine peut entraîner une sanction disciplinaire, voire un licenciement. Le fait d’être représentant du personnel ne vous protège pas en cas de manquement caractérisé.
Vous devez rester vigilant sur les supports que vous utilisez :
Le secrétaire du CSE a une vigilance particulière à avoir sur le contenu des procès-verbaux. Il peut choisir de rédiger deux versions : l’une exhaustive pour les archives, l’autre filtrée pour diffusion.
Pour approfondir vos droits et obligations sur la rédaction du PV, vous pouvez consulter nos fiches tout savoir sur le PV de réunion CSE et 10 conseils pour bien rédiger le PV de réunion CSE.
Certaines situations exigent une prudence renforcée :
Dans ces cas, il faut à la fois protéger les personnes concernées et préserver l’action du CSE. Demandez systématiquement si vous pouvez partager l’information, et sous quelle forme.
En cas de doute, demandez confirmation à l’employeur par écrit (ou faites-la acter au procès-verbal). En cas de litige ultérieur, cela pourra servir de preuve que vous avez respecté vos obligations.
A retenir :
Respecter la confidentialité, c’est avant tout adopter les bons réflexes : ne pas diffuser ce qui ne peut pas l’être, sécuriser les supports, clarifier les règles avec l’employeur et garder des traces. Le CSE agit de manière responsable, mais ne doit pas se taire au moindre prétexte.
Focus Je suis membre de la commission SST…
Vous êtes souvent destinataire d’informations sensibles : accidents du travail, santé mentale, enquêtes internes. Ne transmettez jamais de données nominatives. Concentrez-vous sur les faits et les solutions de prévention. Si un doute persiste, demandez conseil ou anonymisez les données.
Bon réflexe à adopter : Ne mentionnez jamais de nom de salarié dans un compte rendu ou un procès-verbal destiné à être diffusé. Utilisez une formulation neutre : « un salarié du service logistique », « une personne concernée ». Même en interne, limitez les mentions nominatives aux cas strictement nécessaires.
Il arrive que l’employeur tente de faire passer trop d’informations sous le sceau de la confidentialité. C’est parfois une stratégie pour freiner la communication du CSE ou retarder une consultation. Face à cela, vous n’êtes pas démuni. Vous avez des leviers à activer pour défendre votre droit à l’information et votre mandat d’élu.
Lorsqu’une information est présentée comme confidentielle sans justification claire, vous pouvez :
Ce simple rappel peut suffire à faire reculer une tentative abusive. Vous pouvez aussi proposer de différer la consultation en attendant une réponse complète et exploitable.
Si l’information fournie n’est pas suffisante ou si l’employeur refuse de lever une confidentialité injustifiée, vous pouvez :
Cette stratégie est souvent dissuasive : sans avis du CSE, l’employeur prend un risque juridique.
Lorsque la situation se répète ou bloque durablement le fonctionnement du comité, il est possible de saisir le tribunal judiciaire. Le juge peut :
Des décisions de justice ont déjà sanctionné des abus de confidentialité, notamment lorsque l’entreprise avait refusé de transmettre des documents ou avait classé tout un projet comme confidentiel sans raison valable.
A retenir : L’obligation de confidentialité ne peut pas être utilisée pour bloquer l’action du CSE. Si l’employeur abuse de cette notion, vous pouvez refuser de rendre un avis, exiger des justifications ou saisir le tribunal pour délit d’entrave. La loi vous protège.
Focus Je suis secrétaire du CSE… Lorsque vous constatez un abus, faites-le apparaître au procès-verbal. Mentionnez les demandes d’explication restées sans réponse, les documents refusés ou les arguments flous. Un PV bien rédigé constitue un élément de preuve essentiel en cas de contentieux.
Non. Vous êtes tenu à la confidentialité uniquement si l’information est réellement confidentielle et que l’employeur vous l’a signalée clairement au moment de la communication. Une simple affirmation orale, sans justification, ne suffit pas. Vous avez le droit de demander des précisions et de contester une mention abusive.
Vous pouvez exiger que l’employeur justifie ce classement : en quoi l’information est-elle sensible ? Pour combien de temps ? Si rien n’est précisé, vous n’êtes pas lié par l’obligation de discrétion. Demandez que la discussion soit actée au procès-verbal.
Non, sauf si cette personne a été elle-même destinataire de l’information dans le cadre de son mandat. Même au sein du CSE ou d’une organisation syndicale, la confidentialité reste valable tant que les conditions sont réunies. En cas de doute, abstenez-vous ou demandez une autorisation écrite.
Commencez par vérifier si l’employeur avait bien respecté les règles : justification claire, signalement au bon moment. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez contester. Pensez à conserver les échanges écrits ou les PV pour prouver que vous avez agi en responsabilité.
Le CSE peut refuser de rendre un avis, alerter l’inspection du travail ou saisir le tribunal judiciaire pour délit d’entrave. Notez chaque abus dans le procès-verbal, avec les demandes restées sans réponse. Plusieurs décisions ont déjà sanctionné ce type de pratique.
Ce type de déclaration n’a aucune valeur juridique : ce n’est pas confidentiel au sens du Code du travail. Mais si vous trahissez cette confiance, l’employeur pourrait ne plus partager certaines informations. A vous de jauger entre transparence et stratégie relationnelle.
Code du travail, articles L. 2315-3 (obligation de discrétion pour les informations confidentielles et secret professionnel pour les procédés de fabrication), L. 2312-25 (confidentialité possible de certains documents de gestion prévisionnelle dans la BDESE), L. 2312-67 (confidentialité des informations transmises dans le cadre d’un droit d’alerte économique), L. 1233-57-15 (confidentialité des informations liées à la recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’établissement)
Code de commerce, articles L. 225-37 et L. 225-92 (obligation de discrétion pour les représentants du CSE siégeant dans un conseil d’administration ou de surveillance)
Code pénal, article 226-13 (délit de révélation d’une information à caractère secret)
Cour de cassation, chambre sociale, 15 juin 2022, pourvoi n° 21-10.366 (violation des règles de confidentialité justifie une sanction disciplinaire)
Cour de cassation, chambre sociale, 5 novembre 2014, pourvoi n° 13-17.270
(l’employeur doit prouver que la confidentialité est justifiée par un intérêt légitime)
Cour de cassation, chambre sociale, 6 mars 2012, pourvoi n° 10-24.367 (le mandat syndical ne dispense pas du respect de la confidentialité)
Cour d’appel de Versailles, 14e chambre, 31 mars 2010, n° 09/09954 (la déclaration de confidentialité doit être faite au moment de la communication et actée au PV)
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