Théorie de l’imprévision

La théorie de l’imprévision : qu’est-ce que c’est ?

Durant de longues années, la théorie de l’imprévision était rejetée, comme notamment avec l’arrêt Canal de Craponne rendu par la Cour de cassation le 6 mars 1876

En effet, le principe absolu, auquel il était difficile de déroger, c’est la force obligatoire des contrats, incarné par l’ancien article 1134 du Code civil 📕 (aujourd’hui l’article 1103 du Code civil), qui disposait que “Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.”

La loi, c’est la volonté initiale des parties 👨🏼‍ 🤝‍👨🏽. 

La loi, c’est le contrat 📄. 

Son non-respect ne pourrait se justifier sous aucun prétexte 🙅🏻‍♀️. 

Et surtout, les parties doivent exécuter leurs obligations de façon égale ⚖️. 

Il ne serait donc pas juste d’avantager une d’entre elles.


En bref, même si vos matières premières connaissent une hausse des prix sans précédent, vous n’avez que vos yeux pour pleurer… 😭

Mais rassurez-vous, le droit n’est pas aussi abracadabrantesque 🪄 que ce qu’on pense (ou du moins, pas toujours).

Depuis l’arrêt du Conseil d’Etat “Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux” 💡du 30 mars 1916, le nouvel outil de la théorie de l’imprévision dans les contrats administratifs, pour pallier aux fluctuations de prix, a été mis en place

Et on dit merci l’intérêt général et le principe de continuité du service public, qui ont permis cela ! 😍

Si vous êtes une entreprise qui a contracté avec une personne publique, vous pouvez bénéficier d'une aide financière non négligeable si vous éprouvez des difficultés à remplir vos obligations 🤕

L’article L.6 du Code de la commande publique prévoit en effet que : 

S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent Code sont des contrats administratifs.

A ce titre : 3° Lorsque survient un événement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l'exécution, a droit à une indemnité ;”.

Vous n’y comprenez rien en droit public ? Ne vous en faites pas, vous êtes loin d’être seul ! 🤔

Mais QiiRO est là pour démystifier cette branche du droit, et tout vous dire sur la théorie de l’imprévision 🤓

Que signifie cette théorie ?

Un contrat est toujours conclu dans un certain contexte, selon un certain marché, certains prix… Toutes ces données qui influencent inévitablement les conditions négociées sont susceptibles de changer durant son exécution, surtout si le contrat est conclu pour une longue durée 🕰

Lorsqu’une entreprise est titulaire d’un marché public, elle doit exécuter ses obligations.

Mais parfois, survient un événement 💥 que ni la personne publique, ni son contractant, ne pouvaient raisonnablement anticiper (à part s’ils disposaient d’une boule de cristal 🔮 à ce moment là…), et qui va complètement bouleverser la relation contractuelle.

C’est alors que la théorie de l’imprévision fait son entrée sur scène ! 😎

Elle permet de soulager une des parties au contrat, qui subit de lourdes pertes, ou qui éprouve des difficultés à continuer le contrat correctement. 

En résumé, le but est d’éviter la faillite, tout en continuant le contrat.

Que permet la théorie de l’imprévision ?

✅ Si la théorie s’applique, elle permet aux parties de réexaminer les termes du contrat 🔍. 

Et pour cela, exceptionnellement, elles n’ont pas à demander au juge de le faire ! Les parties viennent donc réviser, négocier et modifier seules le contrat.

Bon à savoir : si les parties ne parviennent pas à trouver un accord pour aménager le contrat, elles peuvent toujours faire appel au juge 👩‍⚖️ pour qu’il vienne lui-même adapter les conditions contractuelles et définir une indemnité d’imprévision. Elle sera évaluée en tenant compte des pertes qui ont été subies à partir du moment où le prix d’imprévision a été dépassé.

✅ La personne publique devra aider financièrement son cocontractant 💰. Cette aide peut s’avérer très précieuse et vient compenser les pertes économiques subies par la partie qui peine à exécuter le contrat. Mais l’administration ne doit pas porter 🏋🏻‍♂️ seule cette charge, qui devra être un peu partagée avec son cocontractant.

✅ La théorie est également un outil redoutable pour sécuriser les contrats et assurer la continuité du service public !

A noter ✍🏻 : La théorie de l’imprévision perd de plus en plus de son intérêt, car les contractants prévoient généralement des clauses de variation de prix. La théorie ne sera donc utile qu’en l’absence de telles clauses, ou lorsqu’elles seront insuffisantes.

Quelles sont les conditions d’application de cette théorie ?

Tout d’abord, le contrat en cause doit être un contrat administratif. Pour cela, une des parties contractantes doit être une personne morale de droit public.

Les événements qui viennent affecter l’exécution du contrat sont limités. Ils doivent remplir trois conditions pour justifier l’application de la théorie :

L'événement doit être imprévisible

Cet événement ne doit pas être facilement prévisible par les parties lors de la rédaction et la signature du contrat. Autrement dit, c’est un événement qui doit être anormal, l’aléa doit donc être extraordinaire ☄️. En conséquence, les cocontractants ne pouvaient pas imaginer qu’il surviendrait lorsqu’ils ont conclu leur contrat.

L’aléa économique doit être réel et totalement inattendu. Dans l’arrêt Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, la société était en incapacité d’exécuter ses prestations à la suite de la hausse  📈 des prix du charbon, matière élémentaire pour la bonne exécution de ses obligations. Le contrat avait été passé en 1904, et un événement totalement imprédictible, que nul n’ignore aujourd’hui, s’est produit en 1916…. entrainant une explosion 💣 des prix des matières premières. Cette situation était non seulement exceptionnelle, mais également d’une intensité telle, qu’il était impossible de continuer d’exécuter le contrat aux conditions prévues initialement, sans un minimum d’adaptation. 

La guerre est donc sans conteste et logiquement, un événement qui peut être qualifié d’imprévisible 🔫

L’événement doit être extérieur aux parties

L'événement doit être indépendant de la volonté des parties au contrat 👥

Il ne doit pas être provoqué ni par l’administration, ni par l’autre cocontractant. 

À noter 🖊 Toutefois, certains événements imputables à la puissance publique peuvent être admis.

L'événement doit réellement bouleverser l’économie du contrat

Il ne suffit pas que l'événement vienne perturber légèrement la paisible exécution contractuelle. Il faut que le bouleversement soit majeur, que le cocontractant éprouve de réelles difficultés à remplir ses obligations. Il peut notamment subir de fortes pertes 📉

Il faut donc que cet événement rende l’exécution considérablement complexe pour la partie 🤯

Les circonstances créées par l’événement doivent être temporaires ⏰

Le Conseil d’Etat a fixé comme condition la durée de la situation anormale, qui ne doit pas être perpétuelle 📆

Cette condition permet notamment de distinguer la théorie de l’imprévision, de la force majeure.


C’est tout l’intérêt d’appliquer cette théorie : l'administration va offrir une indemnisation provisoire à son cocontractant, afin de l’aider à surmonter les obstacles qu’il rencontre. Dès que les complications ne sont plus d’actualité, l’aide n’est plus versée ❌

On dit alors qu’il faut que l’événement soit imprévisible, mais pas irrésistible. Pour faire simple, cet événement ne doit pas être insurmontable 🥵. Il doit simplement compromettre la bonne exécution du contrat. Il n’y aurait aucun intérêt à continuer le contrat si aucune solution ne pouvait être trouvée pour surpasser ces difficultés… 

Si à l’inverse, l’événement est irrésistible, et que par conséquent, les nouvelles conditions économiques ont créé une situation qui ne pourrait s’améliorer, la résiliation du contrat pourra être demandée au juge sur le fondement de la force majeure. Cette hypothèse a été envisagée dans l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg 🚂

A quels contrats s’appliquent cette théorie ?

Cette théorie s’applique non seulement aux contrats administratifs mais, le plus souvent, aux contrats de concession. Cela s’explique par le fait que ces contrats sont conclus pour longtemps 🕑 et que de ce fait, il y a davantage de risques que les situations pour les parties changent.

Bon à savoir 🇺🇦 : Pour faire face à la hausse des prix de nombreuses matières premières dues aux pénuries, notamment le gaz et le pétrole, qui a lieu depuis fin 2021, une circulaire a été prise le 30 mars 2022

Cette circulaire n° 6338-SG affirme qu’au vu du contexte actuel, notamment de la crise en Ukraine, cette hausse peut justifier l’application de la théorie de l’imprévision au sein des contrats de la commande publique, puisque dû à un événement imprévisible et extérieur aux parties.

En revanche, la troisième condition, celle du bouleversement de l’économie des marchés, doit être analysée au cas par cas, selon notamment le secteur économique concerné et les justifications données par l’entreprise.

Voilà ! Désormais, vous savez tout sur cette théorie de l’imprévision, vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu 😉

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Contenu rédigé par nos juristes
Deux personnes côte à côte. À gauche, Monsieur QiiRO tenant une tablette numérique dans la main et à sa droite il y a Madame QiiRO tenant un téléphone dans sa main gauche.
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